Réponse du gouvernement sur la politique de rétention et sa gestion (1ère Partie)

Réponses des ministres de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, de l'économie et des finances, du budget, et du porte-parole du gouvernement à la Cour des Comptes

I- Les conditions de la rétention administrative

A- Les conditions matérielles
La Cour relève que les conditions matérielles de rétention n’auraient pas respecté, jusqu’en 2005, les obligations imposées par l’administration par l’arrêté interministériel du 24 avril 2001 et que les conditions d’accueil des étrangers dans certains centres de rétention ont été dénoncées par maints rapports, dont en dernier lieu celui du Conseil de l’Europe en février 2006. Un programme d’urgence a été mis en oeuvre en janvier 2005. Doté d’un budget de 2 M€ (crédits ouverts en LFR 2004), il a permis d’améliorer l’état des locaux existants et de les munir d’un certain nombre d’équipements élémentaires nécessitant un renouvellement ou faisant défaut jusqu’alors. Au-delà de ce programme, plus de 4,8 M€ d’investissement ont été affectés aux travaux d’entretien et de réhabilitation des centres existants (Marseille Arenc, Paris dépôt, Nantes, Nice, Bordeaux et Bobigny) sur la période 2004-2005. Les centres de Nanterre et de Versailles qui ne répondaient pas aux normes ont été fermés et des travaux d’aménagement dans plusieurs centres ont permis une amélioration des conditions de rétention, conformément aux prescriptions qui avaient été faites. Début 2005, la totalité des centres existants en métropole disposaient d’une cour de détente extérieure, d’une séparation hommes/femmes et de locaux de visites. Par ailleurs, on rappellera que le gouvernement a souhaité, à l’occasion de l’adoption de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, modifier profondément le cadre de la rétention administrative par l'augmentation des garanties offertes aux retenus dans l'exercice de leurs
droits en contrepartie de l’allongement de la durée de rétention. Aussi, pour faire face à ces nouvelles dispositions législatives, le ministère de l'intérieur et le ministère de la défense ont élaboré un programme immobilier assurant, d'ici à l'horizon 2007, la création de nouvelles places en centres de rétention administrative par l'agrandissement des centres existants et la construction de nouveaux centres. La fermeture des centres anciens qui devenaient inadaptés à la nouvelle durée de la rétention est intervenue parallèlement. Par ailleurs, il est apparu dans ce nouveau contexte que les normes minimales d'équipements prévues par le décret n°2001-236 du 19 mars 2001 auxquelles devaient satisfaire les centres et locaux de rétention devaient être
redéfinies. De plus, au-delà de ces considérations matérielles, l'allongement de la durée moyenne de séjour a obligé à repenser l'esprit même de la rétention en envisageant le développement de prestations de service plus nombreuses et d'une qualité accrue permettant à l'étranger d'envisager son éloignement dans des conditions sereines. Le ministre d’Etat avait ainsi réaffirmé à l’occasion des discussions sur la loi du 26 novembre 2003 précitée que son action viserait également à l’amélioration des conditions de rétention administrative. C'est pour répondre à l’ensemble de ces préoccupations qu'une mission menée conjointement par l’inspection générale de l’administration et l’inspection générale des affaires sociales du ministère en charge des affaires sociales a été diligentée.

Les conclusions de la mission, livrées au mois de juillet 2004, ont servi à l’élaboration du décret n°2005-617 du 30 mai 2005 relatif à la rétention administrative et aux zones d’attente, codifié aux chapitres 1 et 3 du titre V du livre V de la partie réglementaire du code de l’entrée et du séjour et du droit d’asile. Des normes d’équipement et de confort plus favorables ont ainsi été élaborées et les missions relatives à l’assistance juridique et au soutien matériel et psychologique des étrangers retenus ont été précisées. Ces évolutions, qui se sont traduites par la fermeture des centres de rétention de Versailles, de Saint Louis, de Marseille-Arenc et de la partie homme du Palais de Justice de Paris, ont reçu un accueil favorable de la part des organes internationaux en charge du respect des droits de l’Homme. Ainsi, à l’occasion de sa dernière visite en octobre dernier, le comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants a pu constater des conditions d’accueil satisfaisantes constatées dans les centres de rétention de Palaiseau, de Toulouse-Cornebarrieu, de Vincennes II et de Marseille-Canet, sites inspectés au cours de leur visite en France. A la fin de l’année 2006, l’ensemble des centres respectent les nouvelles prescriptions. Enfin, comme le souligne la Cour et dans le cadre de la volonté gouvernementale de renforcer les droits des retenus, une commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d’attente a été mise en place par la loi du 26 novembre 2003 précitée et par le décret n°2005-616 du 30 mai 2005 codifié à la section 3 du titre Ier du livre Ier de la partie réglementaire du code de l’entrée et du séjour et du droit d’asile précité.

Cette instance est chargée de veiller au respect des droits des étrangers maintenus dans les lieux de rétention et dans les zones d’attente conformément au code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ainsi qu’au respect des normes relatives à l’hygiène, la salubrité, la sécurité, l’équipement et l’aménagement de ces lieux. Elle se caractérise par la diversité de ses membres puisqu’elle rassemble des magistrats de l’ordre judiciaire et administratif, des représentants des assemblées parlementaires, des représentants de la société civile au travers de deux associations (la Croix Rouge française et la Cimade), une personnalité qualifiée en matière pénitentiaire désignée par le Garde des sceaux, ministre de la justice et des représentants de l’administration. Cette diversité est source d’échanges et permet d’enrichir les débats relatifs aussi bien aux conditions de maintien des étrangers en attente de leur éloignement du territoire, qu’à l’amélioration constante des conditions de rétention ou aux garanties apportées à ces étrangers dans l’exercice de leurs droits. Le travail de cette commission s’inscrit dans une volonté de transparence sur l’évolution des conditions de rétention. Après chaque visite, la commission établit un rapport à l’attention du ministre de l’intérieur, assorti le cas échéant de recommandations. De surcroît, chaque année, elle remet un rapport d’activité, assorti éventuellement de recommandations visant à améliorer les conditions matérielles et humaines de maintien en rétention ou zone d’attente et joint ses observations au rapport sur les orientations de la politique d’immigration déposé par le Gouvernement devant le Parlement. A ce jour, la commission a visité les deux CRA de Paris, les CRA de Palaiseau, de Coquelles, du Mesnil-Amelot et de Lyon, ainsi que le LRA de Nanterre.


B- L’exercice des droits des étrangers

Comme le souligne la Cour, l’intégralité des centres de rétention administrative disposent aujourd’hui d’un règlement intérieur pris en application de l’arrêté INT D 0600425A du 2 mai 2006. D’ici la fin de l’année 2006, ces règlements vont être traduits par l’administration centrale du ministère de l’intérieur dans les langues les plus couramment utilisées et recensées dans l’arrêté INT D 0600426A paru au Journal officiel du 6 mai 2006. Au-delà, la Cour s’inquiète des conditions du recours à un interprète, prévu à l’article L 551-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), et notamment en matière d’asile.
Sur ce point, il convient de souligner d’une manière générale qu’en application de l’article R 553-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précité, la mise à disposition et la prise en charge par l’administration des frais liés à l’assistance d’un interprète pour les étrangers maintenus dans un lieu de rétention qui ne comprennent pas le français, ne sont exigées que dans le seul cadre des procédures d’éloignement dont ils font l’objet. En matière d’asile, on rappellera que l’article R 723-1 du code précité précise que les demandes de reconnaissance du statut de réfugié, qu’elles soient déposées au guichet d’une préfecture ou en rétention administrative, doivent être rédigées en français. Par ailleurs, s’agissant spécifiquement des demandes d’asile adressées alors que l’étranger est maintenu dans un centre ou un local de rétention, ce sont les articles R 553-15 à R 553-17 du code précité qui régissent cette question. En outre, cette démarche ne constituant pas un élément de la procédure d’éloignement, les dispositions de l’article R 553-11 du code précité, qui mentionnent qu’en dehors des procédures d’éloignement, la rétribution d’un interprète est à la charge de l’étranger, s’appliquent. Néanmoins, il apparaît clairement que l’administration ne saurait faire obstacle au droit des étrangers de se faire assister d’un interprète ou du traducteur de leur choix. A ce titre, les centres de rétention administrative mettent à disposition, pour la plupart d’entre eux, les coordonnées téléphoniques des greffes des TGI qui disposent de listes d’interprètes traducteurs agréés. Il convient enfin de souligner que le Conseil d’Etat a, dans sa décision n°282275 du 12 juin 2006, confirmé la légalité de l’intégralité des dispositions du décret du 30 mai 2005 et rejeté le recours en excès de pouvoir déposé par différentes associations, et particulièrement de celles concernant l’asile en rétention. Ainsi, la Haute juridiction a considéré que « ni les articles L 111-7, L.111-8, L 551-2, L 723-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ni aucune disposition législative, ni aucun principe s’imposant au pouvoir réglementaire ne font obligation à l’Etat d’assumer les frais résultant de l’assistance des interprètes mis à la disposition des demandeurs d’asile dans le cadre de la présentation des demandeurs d’asile ». En outre, la section du contentieux a estimé que « si les associations requérantes soutiennent que les demandeurs d’asile ne sont pas tous placés dans une situation identique, dès lors que certains maîtrisent la langue française ou peuvent avoir recours, à leur charge, à un interprète, cette circonstance de pur fait ne saurait révéler une différence dans la situation juridique des intéressés et est, dès lors, dans incidence sur le respect du principe d’égalité ». S’agissant de l’information préalable des étrangers sur leurs déplacements, de nombreuses améliorations ont été effectuées contrairement à ce qu’indique la Cour. Ainsi, le centre de rétention du Mesnil-Amelot procède, tous les jours, à l’affichage des prévisions de départ des étrangers retenus. Plus généralement, conformément d’une part à l’article L 553-5 du CESEDA, et, d’autre part, à l’article 24 du modèle de règlement intérieur figurant en annexe de l’arrêté INT D 0600425A du 2 mai 2006 précité, l’ensemble des centres de rétention administrative assurent l’information des étrangers retenus sur l’état de leur dossier administratif, à leur demande. L’administration prend toutefois acte du constat de la Cour qu’elle est parfois faite avec retard et considère que ces pratiques peuvent éventuellement s’expliquer par la multiplicité des tâches des greffes. Pour y remédier, l’article R 553-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précité prévoit la possibilité d’adjoindre auprès
des chefs de centre, par arrêté interministériel, un responsable de la gestion des dossiers administratifs dont l’une des missions consisterait à informer les retenus sur l’évolution de leur dossier. Un projet d’arrêté est actuellement en cours de rédaction au sein des services du ministère de l’intérieur. Enfin, on notera que la commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d’attente n’a émis aucune remarque particulière à l’occasion de ces dernières visites dans les CRA sur ce point.



C- Le renforcement tardif des capacités d’accueil
L’augmentation de capacité de rétention a été conforme à la prévision avec 263 nouvelles places ouvertes entre janvier 2003 et juin 2005. Cet accroissement s’est principalement fait grâce à l’extension des centres de Lyon, Lille, Toulouse, Bordeaux, Sète, Rouen et Coquelles, ainsi que la restitution de places au Mesnil-Amelot, permettant d’augmenter la capacité de 244 places, pour un montant global de travaux de 5 M€. Seules les augmentations de capacité du centre de Coquelles de 56 à 75 places et du centre de Marseille Arenc (de 48 à 60 places), soit 31 places,
se sont faites à superficie constante. Le programme d’extension de la capacité a été décidé dès la fin de l’année 2004 avec la création de 5 centres par la police nationale (Marseille Le Canet, Toulouse, Lille, Orly et Deuil la Barre), et 4 centres par la gendarmerie (Mesnil Amelot, Metz, Perpignan et Rennes). La procédure retenue pour la réalisation de ces centres n’est pas la location avec option d'achat (LOA), mais la procédure de conception réalisation aménagement exploitation maintenance (CRAEM), permettant de sélectionner sur la base d’un programme technique détaillé, un groupement constitué d’un architecte, d’un bureau d’études techniques, d’une entreprise de construction et d’une entreprise de maintenance ayant la charge du site pendant 3 ans. A titre exceptionnel, le délai de réalisation a été le premier critère de choix des attributaires.

Cette procédure dérogatoire, prévue par la LOPSI, a permis de livrer les nouveaux centres moins de 18mois après la décision de lancement des opérations. Il n'y a pas d'autre exemple de construction publique de cette importance menée dans ces délais. Ce programme a été confirmé lors de la réunion du comité interministériel du 22 juillet 2005 et complété par l’extension des centres d’Hendaye, Rouen et Coquelles et la création d’un centre à Nîmes et d’un centre à Roissy-en-France en substitution du centre de Deuil la Barre. Ainsi, ce sont bien 10 centres qui seront créés d’ici juin 2008, pour une capacité totale de 1.162 places de rétention, sans compter les projets d’extension. Le nombre de places de rétention administrative en métropole est
passé de 943 en juin 2005 à 1.288 en septembre 2006, notamment grâce à la livraison du centre de Palaiseau (38 places) en octobre 2005 et à l’ouverture en 2006 des centres de rétention administrative de Plaisir (33 places), Marseille Le Canet (136 places), Toulouse (126 places), et aux extensions de Paris Vincennes (+80 places), Rouen Oissel (+20 places) et Geispolsheim (+8 places). Dans le même temps, le centre de rétention administrative de Marseille – Arenc (60 places) et la partie hommes du dépôt à Paris (66 places) ont été fermés. La livraison de 96 places en novembre 2006 à Lille et les extensions des centres de Rouen-Oissel (+14 places) et de la partie femmes du dépôt à Paris (+8 places) ainsi que la livraison des centres provisoires de la gendarmerie nationale à Rennes et Metz permettront de porter la capacité à 1.451 places d’ici janvier 2007. L’augmentation de capacité du CRA de Rouen a été réalisée en réhabilitant une partie non utilisée du bâtiment et non pas à superficie constante. Par ailleurs, l’augmentation de capacité du CRA de Bobigny s’est faite dans le respect les normes du décret du 30 mai 2005.

D- Les locaux de rétention administrative
La Cour souligne à juste titre les contraintes supplémentaires qui sont désormais imposées en matière d’aménagement des locaux de rétention administrative (LRA) mais regrette l’absence d’obligation pour ces structures de disposer d’une salle réservée au service médical, d’un espace
de promenade à l’air libre et d’une salle de détente. En application de l’article R 553-6 du code précité, seuls sont en effet exigés pour les locaux de rétention administrative les équipements suivants :

- des chambres collectives non mixtes
- des équipements sanitaires en libre accès, comprenant des lavabos, douches et w-c
- un téléphone en libre accès
- un local permettant de recevoir des visites
- un local réservé aux avocats
- une pharmacie de secours.

L’ensemble de ces équipements doit permettre un accueil digne des retenus pendant la courte durée de placement dans les locaux de rétention administrative puisqu’en application de l’article R 551-3 du code précité, la durée maximale de placement dans ce type de structure est limité, sauf exceptions prévues par la réglementation, à 48 heures. Par ailleurs, se plaçant sur le terrain juridique, la Cour estime que l’exercice effectif des droits des étrangers retenus en LRA n’est pas entouré des mêmes garanties qu’en centre de rétention en indiquant que l’intervention d’une association à caractère national ayant pour objet d’informer les étrangers et de les aider à exercer leurs droits n’est pas rendue obligatoire dans les locaux de rétention. Il est exact que le décret du 19 mars 2001 prévoyait que l’action de l’association chargée du soutien juridique des étrangers retenus dans les CRA s’exerçait aussi dans les LRA et dans des conditions définies dans la convention que cette association passait avec l’Etat pour l’ensemble des lieux de rétention du territoire national. Si ce principe est maintenu dans le nouveau régime réglementaire de la rétention administrative puisque l’article R 553-4 du code précité prévoit aussi la possibilité de bénéficier d’un soutien juridique dans les LRA, il n’impose toutefois, pas qu’il soit fourni par la même association que dans les CRA. Cette rédaction tient en fait compte de l’impossibilité matérielle et objective, pour une seule association, d’assurer l’intégralité des
interventions dans les locaux de rétention. Cette « décentralisation » du soutien juridique ne porte toutefois pas de rupture d’égalité entre les étrangers maintenus en CRA et ceux maintenus en LRA. On notera en outre que la Cimade, association qui intervient en centre de rétention en application du marché public passé en janvier 2006 avec l’Etat, continue d’intervenir dans de nombreux locaux de rétention administrative permanents (Limoges, Choisy-le-Roi par exemple). Au-delà, la Cour signale l’absence d’obligation pour l’administration de tenir à jour et de publier l’inventaire des LRA ouverts sur le territoire national. Sur ce point, il convient tout d’abord de noter que les préfectures sont tenues d’assurer la publicité des arrêtés portant création des locaux de rétention, que ces derniers soient temporaires ou permanents. Cette publicité prenant la forme d’une parution au recueil départemental des actes administratif, l’ensemble des acteurs de la rétention, et notamment les associations en charge du soutien aux étrangers, sont informés de l’existence d’un lieu de rétention. En outre, en application de l’article R.553-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, une copie de l’arrêté de création d’un LRA est transmise sans délai au procureur de la République, au directeur départemental des affaires sanitaires et social et au président de la commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d’attente. Cette formalité substantielle, qui garantit la régularité de la création du local, permet donc à la commission de contrôle de disposer d’une liste actualisée des locaux de rétention administrative et d’assurer plus efficacement les missions qui lui sont confiées par la loi du 26 novembre 2003 précitée. La Cour note par ailleurs que le recours aux locaux de rétention administrative se développe. Elle estime aussi que certains LRA sont utilisés en lieu et place des centres de rétention et s’inquiète de l’absence d’un dispositif suffisant de contrôle. Le recours plus fréquent aux locaux de rétention administrative est corrélé à la forte augmentation, depuis 2002, du nombre d’étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement (le nombre de mesures prononcées a progressé de 50% entre 2002 et 2005) et à l’absence de places immédiatement disponibles en centre de rétention administrative, les délais de construction des nouvelles structures d’accueil ne permettant pas une mise à disposition immédiate. Aussi, lorsqu’il est impossible de procéder à un transfert immédiat en CRA, le recours au LRA doit nécessairement être mis en oeuvre. Dans cette hypothèse, l’administration centrale du ministère formule des instructions aux préfectures qui vont dans le sens d’une application stricte du décret n°2005-617 du 30 mai 2005 codifié. Il faut alors distinguer les LRA temporaires et permanents :
- s’agissant des LRA temporaires, il est demandé aux services territoriaux de recourir autant que faire se peut aux prestations d’un établissement hôtelier, quitte à les réquisitionner ;
- s’agissant des LRA permanents, deux cas peuvent se présenter : soit les services de police disposent, dans leurs locaux, d’un espace aménagé, soit un local se situant en dehors des locaux de police ou de gendarmerie est dédié au LRA et spécialement aménagé. C’est le cas des LRA d’Allonnes (Sarthe) qui a ouvert au début de l’année 2006 (appartement aménagé) ou de Cercottes (Loiret) qui a été aménagé dans une ancienne caserne de gendarmes.

A titre anecdotique, on relèvera que la liste des LRA adressée à la Cour par la DLPAJ à la suite du recensement effectué en mai 2006 ne concernait que les LRA permanents. Or, le LRA d’Amiens, cité par la Cour comme ne figurant pas dans ce document, est un local à vocation temporaire. Il convient cependant de souligner que ce recensement a montré que, à l’exception de cinq locaux, tous respectent les durées maximales de rétention prévues par l’article R 551-3 du code précité qui limite à 48 heures la durée maximale de maintien des étrangers dans les locaux de rétention administrative, sauf dans l’hypothèse où il n’existe pas de centre de rétention administrative dans le ressort du tribunal administratif amené à statuer sur la légalité d’un arrêté de reconduite à la frontière ou dans le ressort de la cour d’appel compétente pour statuer sur l’ordonnance du juge des libertés et de la détention. Dans ces cas, l’étranger peut être maintenu jusqu’à ce que le président du tribunal administratif ou jusqu’à ce que la cour d’appel ait statué.
En outre, les articles R 552-17 et R 552-18 du code précité précisent, qu’en dehors des audiences de prolongation de rétention, l’étranger en rétention qui en fait la demande peut saisir le juge des libertés et de la détention afin que soit réexaminée sa situation. Celui-ci peut, dans ce cadre, mettre fin à la rétention lorsque des circonstances nouvelles de droit ou de fait apparaissent. Le maintien des étrangers en local de rétention au-delà de la période réglementaire rentre dans le cadre de ce dispositif qui tire toutes les conséquences de la réserve d’interprétation établie par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 novembre 2003.
Toute absence de respect des dispositions réglementaires est donc susceptible d’être sanctionnée par les juridictions, ce qui constitue en soi un dispositif de contrôle de l’action administrative. Reste que, et bien que cette pratique ne concerne que 7.8% des LRA et 6% des étrangers retenus, l’administration ne saurait approuver ou tolérer des pratiques qui seraient contraires à la réglementation en vigueur. Aussi, toutes les instructions ont été données aux préfectures concernées afin qu’une application stricte du décret précité soit effectuée. On notera enfin que l’intégralité des LRA ont désormais un fondement légal, ce qui répond favorablement aux observations formulées par la Cour dans son relevé de constatations provisoires.

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