Préparation au Dilf: le 29/02/2008

Le Centre Ressources Illettrisme (CRI) de Marseille organise une journée de professionnalisation, destinée aux personnes travaillant auprès de publics ne maîtrisant pas les savoirs de base. En partenariat avec Clé International, Marion AGUILLAR, formatrice à l'Ecole Normale Sociale, présentera au cours de cette journée, les approches didactiques à partir des outils de Clé International. Ce sera le 29 février 2008, de 9h00 à 16h30, au CRI-PACA.
Les objectifs de la journée sont:
- acquérir une bonne connaissance du Dilf
- acquérir les bonnes techniques pour préparer les apprenants au Dilf
- être capable de créer des supports pédagogiques,adaptés à son groupe d'apprenants.
Pour tous renseignements, écrivez-nous ou contactez le CRI, 3 cours Joseph Thierry, à Marseille (métro les Réformés).

Henriette, cela signifie-t-il que nous parlons tous un peu arabe ?

Nous parlons tous un peu l'arabe

Guy Duplat ( La Libre Belgique : 26/06/2006)

Un livre raconte l'histoire de la langue arabe et casse les clichés. Il montre les apports réciproques très riches entre l'arabe et la langue française.

Dans ces moments où l'on parle beaucoup du monde arabe, le livre «Arabesques, l'aventure de la langue arabe en Occident», d'Henriette Walter et Bassam Baraké, apporte un éclairage instructif et ludique à la fois sur l'histoire de cette langue et ses rapports avec nos langues occidentales. Sait-on que de très nombreux mots français viennent de l'arabe comme «chiffre» et «zéro», comme «jupe» et «matelas», comme «artichaut» et «épinard», ou encore, «alcôve» et «camaïeu», «alcool» et «alchimie», «algèbre» et «algorithme», «arabesque» et «assassin». Le livre énumère ces apports sur 50 pages. Ceux qui ont pu voir à Paris l'exposition, à l'institut du monde arabe, sur la contribution du monde arabe à la science, n'en seront pas étonnés. On y voyait déjà le rôle essentiel que jouèrent les grandes capitales arabes dans l'essor des mathématiques et des sciences. Elles ne se contentèrent pas de nous transmettre l'héritage des Grecs mais apportèrent d'innombrables découvertes fondamentales.

Kravatt et koulott

En sens inverse, la langue arabe, du moins dans les pays du nord de l'Afrique, fourmille de mots empruntés au français. Un «maillot» se dit «mayoh» en Egypte, on parle en arabe, de «klarinett», de «kombinézon», de «koulott» (culotte), de «kanari», de «karamel», de «carbirator» (carburateur), d'«akordyon», de «komandann» (commandant), de «komisser», de «kravatt»,, de «portemoné», de «sandriyé» (cendrier). Il est clair, souligne Henriette Walter, que le vocabulaire technique du XIXe et du XXe siècle dans le Maghreb, a été dérivé du français. Le français a aussi largement inspiré l'arabe dans le vocabulaire de l'habillement et de la mode. En Espagne et en Italie aussi, l'arabe a fortement imprégné le vocabulaire.

L'arabe est une langue sémitique qui vient de quelques groupes de Bédouins parcourant pendant des siècles les mornes étendues désertiques du désert d'Arabie. Une langue de poètes qui n'a pas laissé à cette époque, de traces écrites, souligne encore Henriette Walter. Cette poésie orale se retrouve dans les contes de «mille et une nuits» qui connurent une première traduction française en 1704 et suscitèrent alors en Occident une grande vague d'intérêt pour l'Orient.

L'arabe, entretemps, avait connu aussi un vrai conte de fées puisque, langue de l'Islam, il profita de la formidable expansion de l'Islam du VIIe au IXe siècle. Bien entendu, la chance de l'arabe est d'être la langue du Coran, dans laquelle Mahomet a transcrit le message du Dieu unique transmis par l'archange Gabriel en 61. Ces révélations rassemblées en un livre constituent à la fois le premier livre en prose des Arabes et le livre-culte de la religion musulmane qui s'est propagée à travers le monde entier, quelle que soit la langue locale. La langue arabe originale s'enrichira au contact des peuples où elle est arrivée en intégrant des formes persanes, syriaques, araméennes ou chaldéennes.

Bled et djihad

La langue arabe a même influencé l'art occidental car la forme la plus élaborée de l'écriture arabe, la calligraphie, se trouve à l'origine des entrelacs élégants qu'on nomme arabesques et qui sont présents dans les tableaux de Raphaël ou dans les entrelacs élaborés par Léonard de Vinci et, à sa suite, par Dürer.

Henriette Walter a rédigé ce livre, dit-elle, pour sortir la langue arabe des clichés habituels qui y voient, selon elle, soit une langue argotique (dans l'argot, on utilise les mots arabes de «clebs», de «bled», de «kif kif»), soit une langue guerrière (on parle de «djihad», de «fatwa»). «C'est bien trop réducteur», dit-elle.

Ce livre historique et ludique fourmille de cartes, de tableaux et d'index. Un livre qui plaide implicitement pour le dialogue des cultures en rappelant à quel point notre passé est métissé et combien notre histoire a souvent croisé celle du monde arabe. Ne fût-ce qu'à Cordoue où chrétiens, musulmans et juifs vivaient en harmonie.

© La Libre Belgique 2006

Henriette Walter


Henriette Walter, ou "Les mots venus d'ailleurs"






La linguiste Henriette Walter a réalisé un travail extraordinaire sur l'histoire de la langue française et s'est particulièrement intéressé aux emprunts linguistiques d'origine l'étrangère. Nous vous encourageons vivement à lire ou découvrir ses écrits


Les écrits d'Henriette Walter sur le sujet:

Walter, H. 1988. Le français dans tous les sens. Paris : Robert Laffont.

Walter, H. 1994. L'aventure des langues en Occident. Leur origine, leur histoire, leur géographie. Paris : Robert Laffont.

Walter, H. 1997. L'aventure des mots français venus d'ailleurs. Paris : Robert Laffont.

Walter, H. 1998. Le français d'ici, de là, de là-bas. Paris : J.-C. Lattès.

Walter, H. Walter, G. 1991, 1998. Dictionnaire des mots d'origine étrangère. Paris : Larousse.

Walter, H. 2001. Honni soit qui mal y pense ou l'incroyable histoire d'amour entre le français et l'anglais. Paris : Robert Laffont.

WALTER, H. AVENAS, P. 2003. L'étonnante histoire des noms des mammifères. De la musaraigne étrusque à la baleine bleue, Paris: Robert Laffont.

WALTER, H. BARAKÉ, B. 2006, Arabesques. L'aventure de la langue arabe en Occident. Paris: Robert Laffont.







Dernier ouvrage d'Henriette Walter
en collaboration avec Baram Baraké paru en 2006



Nous vous proposons de l'écouter à travers ces liens:

http://www.canalacademie.com/Henriette-Walter-Les-mots-francais.html

Récréation linguistique en compagnie d'Henriette Walter:

http://www.culture.gouv.fr/culture/dglf/francais-aime/semaine-lang-fr-2001/Recreation2.htm

C FACILE

C Facile

Chanson : Akli D - C Facile
Paroles : Akli D
Maison de production : Because music

C’est pas facile
Ah madame Francine un verre, rien qu’un verre et je vais rentrer chez moi

C’est facile, c’est pas facile
L’immigré jamais tranquille
C’est facile, c’est pas facile
A Marseille ou à Belleville
C’est facile, c’est pas facile
L’immigré matchi tranquille
C’est facile, c’est pas facile
Je te le jure Mr Zinedine.

Combien de temps ? Combien de jours ?
Combien de cartes ? Combien de séjours ?
Toutes les promesses, tous les détours.
Combien de temps, combien de temps, combien de temps, pour l’intégration ?

C’est facile, c’est pas facile
L’immigré jamais tranquille
C’est facile, c’est pas facile
A Toulouse ou à Belleville
C’est facile, c’est pas facile
L’immigré matchi tranquille
C’est facile, c’est pas facile

La politique d'immigration racontée aux enfants...

Au panier !
Henri Meunier (texte) et Nathalie Choux (illustrations)

Dans un parc, une femme noire, un chat vert et un drôle d’oiseau sans papiers d’identité se font arrêter par la police... Un jeune garçon semblant être "bien de chez nous" avoue, sans qu’on le lui ait demandé, ne pas avoir de papiers non plus, et monte dans le fourgon. Malin, il dénonce le soleil qui vient de l’est ; ni une ni deux, le policier l’enferme avec les autres... Tous ensemble, ils retrouvent le sourire, tandis que le policier se retrouve dans le noir... Tel est pris qui croyait prendre ! Une manière simple de dénoncer les abus d’un État obscurantiste et policier. Un livre sur la différence, les conséquences d’un État policier, sur le droit de libre circulation et de résidence.

Meunier, H. Choux, N. 2004, Au Panier! Paris: Rouergue

Exposition Centres de Rétention











Réponse du gouvernement sur la politique de rétention et sa gestion (2ème Partie)

Réponses des ministres de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, de l'économie et des finances, du budget, et du porte-parole du gouvernement à la Cour des Comptes

II- Les résultats de la politique d’éloignement

B- L'augmentation du nombre des reconduites
La Cour souligne les améliorations sensibles qui ont pu être constatées dans le fonctionnement des services en charge de la lutte contre l’immigration irrégulière, notamment au travers de la forte diminution du taux d’annulation des mesures de reconduite frontière par les tribunaux
administratifs (on constate une diminution globale et constante du taux d’annulation des mesures de reconduite à la frontière (15.93% en 2005, 16.8 % en 2004 et 17.1% en 2003), cette diminution étant d’autant plus significative que le nombre de recours déposés devant les juridictions administratives a progressé pour sa part de plus de 84% entre 2003 et 2005) et de l’accroissement du taux de délivrance des laissez-passer consulaires (le taux global de délivrance s’est sensiblement amélioré, passant de 26.9% pour l’année 2003 à 45.73% en 2005). Cette mobilisation s’est concrétisée par une très forte augmentation du nombre d’étrangers en situation irrégulière effectivement éloignés. En effet, entre 2002 et 2005, le nombre de reconduites a progressé de presque 88%, passant de 10562 à 19849. Néanmoins, la Cour estime que les moyens mis en oeuvre pour assurer le doublement du nombre de mesures d’éloignement exécutées ne se sont pas accompagnés d’actions sur les dysfonctionnements observés en amont à divers stades de la procédure. Ainsi, la Cour note que seuls 27% des mesures prononcées et 17% des étrangers en situation irrégulière interpellés au cours de l’année 2005 ont fait l’objet d’un éloignement effectif. Il convient tout d’abord de réaffirmer que la définition d'un objectif quantitatif a été préférée à la fixation d'un taux d'exécution global des mesures d'éloignement qui ne rend qu'imparfaitement compte de la réalité de la lutte contre l'immigration irrégulière. En effet, une amélioration du taux d'exécution des mesures d'éloignement ne signifie pas que le nombre de mesures effectivement exécutées a progressé. Or, l’augmentation de ce nombre en valeur absolue apparaît bien de nature à restaurer la crédibilité de la politique de gestion des flux migratoires. Par ailleurs, les faibles taux de reconduite relevés au regard du nombre d’interpellations et de prononcés d’une mesure s’expliquent par divers facteurs. En effet, toutes les interpellations d'étrangers en situation irrégulière ne donnent, par définition, pas nécessairement lieu au prononcé d’un arrêté de reconduite à la frontière.

Au-delà des situations dans lesquelles les délais de garde à vue ne permettent pas à l'administration de réaliser un examen de la situation de l'étranger et de prononcer un arrêté de reconduite à la frontière, plusieurs facteurs peuvent expliquer les faibles rapports constatés. Ainsi, le ministère de l'intérieur a entrepris depuis 1998 de développer la notification des APRF par voie postale. Cette politique, réaffirmée dans le cadre de la circulaire du 22 octobre 2003 relative à l'amélioration de l'exécution des mesures de reconduite à la frontière, permet de faire courir les délais contentieux et offre ainsi la possibilité, lors d'une interpellation par les services de police ou de gendarmerie, de mettre à exécution une mesure d'éloignement devenue définitive. Or, toutes les mesures prononcées sur ce fondement ne sont pas mises à exécution au cours de l’année de référence. Par ailleurs, et plus généralement, les nombreuses interpellations ou mesures prononcées ne peuvent systématiquement être menées à terme en raison des nombreux obstacles rencontrés lors de la mise à exécution de la mesure. Ainsi, les annulations des mesures par la juridiction administrative, les décisions des juges des libertés et de la détention défavorables à l’administration à l’occasion de l’examen des demandes de prolongation ou l’absence de délivrance de laissez-passer consulaires constituent autant de freins à la mise en oeuvre effective des mesures d’éloignement.
C- La mesure des résultats obtenus
La Cour estime que les statistiques fournies par le ministère n’apparaissent pas totalement cohérentes, ce qui fait douter de leur fiabilité. A ce titre, la Cour indique que le nombre des éloignements n’ayant pas abouti en 2005 (qui correspond pour la Cour à la différence entre le nombre de mesures prononcées et le nombre de mesures exécutées sur l’année) ne correspond pas à la somme des mesures non transmises au bureau de l’éloignement de la DCPAF et des mesures non exécutées par ce bureau. De même, les données centralisées par la DLPAJ à partir du recueil statistique effectué par les préfectures ne portent, pour l’année 2005, que sur moins de la moitié des éloignements non exécutés dans l’année. Le décalage constaté s’explique par l’absence de mise à exécution, pour une année considérée, de l’ensemble des mesures prononcées. La différence entre ces deux catégories d’actes n’est donc pas pertinente pour assurer une comparaison fiable. Dans ce cadre, aux différents éléments de réponse déjà fournis tenant notamment au développement de la notification des APRF par voie postale, à l’annulation des mesures par la juridiction administrative, aux décisions défavorables des juges des libertés et de la détention ou à l’absence de délivrance de laissez-passer consulaires, il doit être ajouté la recherche d’efficacité visant à adapter le dispositif administratif et policier à la situation concrète des étrangers susceptibles de faire l’objet d’une mesure d’éloignement. D’une manière générale, la Cour déplore l’analyse insuffisante des résultats obtenus en regard des moyens mis en oeuvre par les services en charge de la lutte contre l’immigration irrégulière dans l’exercice de leur mission. On notera à cette fin qu’afin d’accompagner la politique de pilotage par objectif de la lutte contre l’immigration irrégulière, le ministère de l’intérieur a mis en place différents outils institutionnels chargés d’assurer l’analyse des résultats obtenus. Ainsi, au plan local, une circulaire du 23 août 2005 a organisé la mise en place de pôles départementaux d’immigration. Ces structures, composées des services de police et de gendarmerie, des magistrats, des bureaux des étrangers des préfectures assurent, sous l’autorité du préfet de département l’analyse de l’ensemble de l’information opérationnelle relative à la lutte contre l’immigration et déterminent les moyens d’action les plus efficaces. Par ailleurs, l’administration centrale du ministère de l’intérieur a mis en place un centre national d’animation et de ressources. Cette structure, inter-directionnelle (DCPAF, DLPAJ), a notamment en charge le pilotage de la politique d’éloignement par la définition et le suivi des objectifs départementaux d’éloignement et par l’animation d’un réseau des acteurs locaux de l’éloignement. L’exercice de ces missions induit des déplacements dans les départements. Ainsi, depuis le mois de février 2005, 36 déplacements dans les départements de la France métropolitaine ont été effectués. Organisées sous forme de journées d’échanges, ces visites permettent d’une part d’apporter conseils et appui aux différents acteurs locaux de l’éloignement par la création d’un réseau des acteurs de l’éloignement et la mutualisation de bonnes pratiques et, d’autre part, d’identifier au mieux les difficultés auxquelles les services en charge de la lutte contre l’immigration irrégulière sont confrontés. Ces déplacements, qui ont concerné en premier lieu les préfectures dont les objectifs en matière d’éloignement étaient les plus importants, sont aujourd’hui consacrés aux départements de strate moyenne et inférieure dont les résultats en matière d’éloignement apparaissaient faibles. Concentrées sur l’analyse d’un territoire, périmètre jugé plus pertinent afin d’évaluer plus efficacement les effets des actions menées localement, ces visites permettent d’analyser les difficultés rencontrées dans l’exécution des mesures d’éloignement et de recenser les bonnes pratiques en rencontrant l’ensemble des acteurs judiciaires et administratifs de l’éloignement. Cette approche territoriale permet d’assurer un suivi et une analyse plus efficace des situations tout en proposant des solutions concrètes et adaptées sur la base des expériences rencontrées dans l’ensemble des départements visités.
Elle permet en outre d’analyser dans le détail les causes d’échec à l’exécution des mesures d’éloignement. Par ailleurs, il convient de souligner que la DCPAF assure un suivi statistique des causes et du pourcentage d’inexécution des mesures d’éloignements dans le cadre des saisines du BUREL. Ainsi, au titre des 10 premiers mois de l’année 2006, sont relevés sur 6 097 échecs à l’éloignement :

􀂾 5 219 annulations préfectorales résultant pour 2 042 individus (39.13 %) d’une décision des juridictions judiciaires ou administratives ; pour 1 130 individus (21.65 %) d’une carence de laissez-passer consulaires ; pour 347 individus (16.23 %) de l’absence de présentation d’un étranger à sa convocation ; pour 1200 individus (22.99%) de motifs divers tenant, à une libération par la préfecture (146 cas soit 2.80 %), à l’absence de l’étranger à son domicile (185 cas soit 3.54 %), à la saturation du centre de rétention (145 cas soit 2.78 %), à une demande d’asile politique (86 cas soit 1.65 %), à une erreur matérielle dans le dossier du reconduit (145 cas soit 2.78 %).

􀂾 551 échecs pour refus d’embarquement.
􀂾 327 échecs pour absence de moyens de transport. Sur le suivi des causes de refus de prolongation de la rétention par le juge de la liberté et de la détention, les motifs ne sont jamais communiqués au BUREL de la DCPAF. Les préfectures se contentent en ce domaine d’adresser une annulation de la demande initiale sans préciser le motif qui a conduit le magistrat à décider de la libération d’une personne. De plus, tout suivi par le service policier à la base de l’interpellation apparaît totalement illusoire. Les recours surgissent à plusieurs stades de la rétention, bien après la clôture de la procédure initiale, et les placements en C.R.A., gérés selon une approche nationale, suppriment toute possibilité de communication établie localement. Aussi, et en complément des analyses effectuées d’une part à l’échelle départementale et d’autre part par la DCPAF, le ministère a souhaité doter les services en charge de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière d’une application informatique capable d’apporter à la fois une cohérence dans le suivi des procédures des préfectures et dans la gestion des différents centres de rétention administrative par les services de police ou de gendarmerie compétents. Dans ce cadre, il a été décidé d’utiliser et d’étendre au niveau national une application dont les développements étaient particulièrement avancés dans le département des Pyrénées Orientales et à la Direction centrale de la police aux frontières. Il s’agissait des applications SIRSEI (Système Informatisé en Réseau de Suivi des Etrangers Incarcérés) et SUEDEE (Suivi des Etrangers devant Etre Eloignés)-DDPAF 66- qui ont été regroupées avec deux autres programmes - GESTEL (Gestion de l’éloignement par la DCPAF) et SUICRA (programme de suivi des centres de rétention administrative géré par la DLPAJ) - en un seul projet nommé ELOI.

La mise en oeuvre effective, dans les prochains mois, d’ELOI assurera une homogénéisation des pratiques et permettra un suivi statistique précis de l’ensemble des causes d’échec à l’éloignement.

D- Le coût de la politique d’éloignement

La Cour pointe en premier lieu l'absence d'évaluation du coût global de la politique d'éloignement et s'étonne que le coût de fonctionnement des centres ne soit toujours pas établi avec précision. Elle considère que « l'estimation par la DAPN d'un coût annuel de l'ordre d'1 M€ pour l'ensemble ces CRA de métropole et d'outre-mer [ne peut] être considérée comme significative et fiable d'autant que les dépenses concernant certains CRA ne sont pas renseignées ».
Cette remarque est pour partie justifiée même si la responsabilité n'en incombe pas uniquement à la Police nationale. J'ajoute que le rapport de la Cour des comptes porte sur les années 20003, 2004 et 2005, donc avant l'entrée en vigueur de la LOLF. Deux éléments de réponse peuvent être apportés à la Cour sur ce premier point :
- d'une part le coût de fonctionnement interne d'un grand nombre de CRA (13 au total) est actuellement supporté par l'administration pénitentiaire (et ce jusqu'au 1er janvier 2007). La Police nationale n'a donc guère de visibilité sur une dépense exécutée par un autre ministère.
La gestion "hôtelière" de l'ensemble des CRA par la Police nationale à partir du 1er janvier prochain suite au désengagement de l'administration pénitentiaire va considérablement faciliter le suivi de la dépense et permettre d'avoir une vision globale du coût puisque désormais tous les CRA construits et gardés par la Police nationale seront également gérés par elle pour leur
fonctionnement courant.
- d'autre part, il est exact que malgré des relances régulières, les remontées d'informations des préfectures sur les dépenses effectuées par elles en matière de rétention administrative sont très lacunaires. Le système actuel fait que l'exécution de la dépense relative aux CRA est "éclatée" entre 100 préfectures, 8 SGAP et 9 SATP. L'entrée en vigueur de la LOLF permet désormais d'assurer un suivi amélioré de la dépense de fonctionnement et d'équipement. En effet, par l'infocentre INDIA, en effectuant des requêtes multi-critères par compte du plan comptable de l'Etat (alimentation, blanchisserie, traductions, etc…), par code ordonnateur (les 100 préfectures, les SGAP), par action LOLF d'imputation (en l'occurrence l'action 4 "police des étrangers et sûreté aéroportuaire internationale") et par BOP (en l'occurrence le BOP 1 "commandement et soutien" où figurent les crédits pour l'éloignement hors billetterie) il est désormais possible d'avoir un suivi satisfaisant de la dépense de rétention administrative.

Au 3 novembre 2006, 14 M€ ont été consommés et 25,9 M€ engagés pour les dépenses de rétention administrative (et de délivrance des laisser-passer consulaires). Cette situation est conforme à celle envisagée lors de l'élaboration du PEC 2006. Il convient de noter que la Direction Générale de la Police Nationale va très prochainement adresser une circulaire aux préfectures et aux SGAP pour leur repréciser les comptes PCE à utiliser afin d'éviter une hétérogénéité qui serait préjudiciable au suivi de la dépense. Parallèlement, il est envisagé de demander aux préfectures de ne plus transmettre les tableaux d'emplois des crédits de l'ex-article 27, ces remontées étant lacunaires et ne fournissant aucune information qu'INDIA ne produise déjà. La haute juridiction financière estime également que l'évaluation du coût global de la politique de lutte contre l'immigration clandestine est discutable. Ce dernier point est inexact dans la mesure où l'évolution de la dépense depuis 2004 a été précisément évaluée en application de la méthode de la "justification au premier euro". Il est exact cependant que ce montant ne comprend pas les seules dépenses d'éloignement mais toutes les dépenses liées à la lutte contre l'immigration clandestine. La Cour déplore aussi que la DGPN ne soit pas en mesure d'établir un coût analytique global de l'éloignement d'un étranger en situation irrégulière, alors qu'il s'agit là d'un indicateur du projet annuel de performance de la Police nationale. Il est exact que dans le projet annuel de performances 2006 l'indicateur relatif au coût d'une rétention (et non d'un éloignement) en CRA police n'était pas renseigné. Il l'est dans le PAP 2007 même si son mode de calcul est encore perfectible, notamment parce qu'il n'intègre pas pour l'heure les dépenses de masse salariale (ce qui devrait être possible en 2007 avec le déploiement complet de la MCI dans les services de la PAF). Les restitutions fournies par INDIA permettront également d'avoir une meilleure vision des dépenses de fonctionnement liées à la rétention.
Enfin, la Cour constate avec regret que l'indicateur figurant au PAP sur le taux de remise en liberté de personnes placées en rétention administrative n'est pas renseigné. Le logiciel "ELOI" actuellement en phase de test par la DLPAJ dans les CRA et les préfectures devrait permettre de remédier, en 2008, à cette situation.


Réponse du ministre de l'économie et des finances et du ministre délégué au budget et à la réforme de l'état, porte parole du gouvernement

L’insertion au rapport public annuel de la Cour des comptes sur « La rétention des étrangers en situation irrégulière » appelle les remarques suivantes. Le rapport met en exergue l’absence d’évaluation véritable du coût global de la politique d’éloignement. Il signale notamment la difficulté pour obtenir des coûts de fonctionnement des centres de rétention administrative, l’intégration des postes de dépenses n’étant pas homogène d’un centre de rétention à l’autre. Il semble que de ce point de vue, la présentation en missions-programmesactions, avec une action dédiée à la police des étrangers et à la sûreté des transports internationaux, ait permis d’établir plus clairement les frais de fonctionnement des centres de rétention administrative. Le rapport évoque l’absence de mesure du coût complet de l’éloignement d’un étranger en situation irrégulière, lequel devrait reposer, non seulement sur l’évaluation des dépenses dans les centres, mais également sur la valorisation des dépenses relatives aux phases amont et aval de la rétention (transports, escortes). Sur ce point, les crédits relatifs à la phase aval sont désormais retracés dans la justification au premier euro du projet annuel de performances. Nous mettrons à l’étude, en liaison avec le ministre de l’intérieur, l’identification des dépenses amont dédiées à la politique de l’éloignement. Enfin, vous critiquez le non-renseignement des trois indicateurs de
performances relatifs à cette politique. Dans le projet annuel de performance pour 2007, deux de ceux-ci ont été renseignés ; seul demeure à renseigner l’indicateur relatif au taux de remise en liberté des personnes placées en rétention pour vice de procédure. Les données nécessaires devraient être disponibles en 2007.

Réponse du gouvernement sur la politique de rétention et sa gestion (1ère Partie)

Réponses des ministres de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, de l'économie et des finances, du budget, et du porte-parole du gouvernement à la Cour des Comptes

I- Les conditions de la rétention administrative

A- Les conditions matérielles
La Cour relève que les conditions matérielles de rétention n’auraient pas respecté, jusqu’en 2005, les obligations imposées par l’administration par l’arrêté interministériel du 24 avril 2001 et que les conditions d’accueil des étrangers dans certains centres de rétention ont été dénoncées par maints rapports, dont en dernier lieu celui du Conseil de l’Europe en février 2006. Un programme d’urgence a été mis en oeuvre en janvier 2005. Doté d’un budget de 2 M€ (crédits ouverts en LFR 2004), il a permis d’améliorer l’état des locaux existants et de les munir d’un certain nombre d’équipements élémentaires nécessitant un renouvellement ou faisant défaut jusqu’alors. Au-delà de ce programme, plus de 4,8 M€ d’investissement ont été affectés aux travaux d’entretien et de réhabilitation des centres existants (Marseille Arenc, Paris dépôt, Nantes, Nice, Bordeaux et Bobigny) sur la période 2004-2005. Les centres de Nanterre et de Versailles qui ne répondaient pas aux normes ont été fermés et des travaux d’aménagement dans plusieurs centres ont permis une amélioration des conditions de rétention, conformément aux prescriptions qui avaient été faites. Début 2005, la totalité des centres existants en métropole disposaient d’une cour de détente extérieure, d’une séparation hommes/femmes et de locaux de visites. Par ailleurs, on rappellera que le gouvernement a souhaité, à l’occasion de l’adoption de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, modifier profondément le cadre de la rétention administrative par l'augmentation des garanties offertes aux retenus dans l'exercice de leurs
droits en contrepartie de l’allongement de la durée de rétention. Aussi, pour faire face à ces nouvelles dispositions législatives, le ministère de l'intérieur et le ministère de la défense ont élaboré un programme immobilier assurant, d'ici à l'horizon 2007, la création de nouvelles places en centres de rétention administrative par l'agrandissement des centres existants et la construction de nouveaux centres. La fermeture des centres anciens qui devenaient inadaptés à la nouvelle durée de la rétention est intervenue parallèlement. Par ailleurs, il est apparu dans ce nouveau contexte que les normes minimales d'équipements prévues par le décret n°2001-236 du 19 mars 2001 auxquelles devaient satisfaire les centres et locaux de rétention devaient être
redéfinies. De plus, au-delà de ces considérations matérielles, l'allongement de la durée moyenne de séjour a obligé à repenser l'esprit même de la rétention en envisageant le développement de prestations de service plus nombreuses et d'une qualité accrue permettant à l'étranger d'envisager son éloignement dans des conditions sereines. Le ministre d’Etat avait ainsi réaffirmé à l’occasion des discussions sur la loi du 26 novembre 2003 précitée que son action viserait également à l’amélioration des conditions de rétention administrative. C'est pour répondre à l’ensemble de ces préoccupations qu'une mission menée conjointement par l’inspection générale de l’administration et l’inspection générale des affaires sociales du ministère en charge des affaires sociales a été diligentée.

Les conclusions de la mission, livrées au mois de juillet 2004, ont servi à l’élaboration du décret n°2005-617 du 30 mai 2005 relatif à la rétention administrative et aux zones d’attente, codifié aux chapitres 1 et 3 du titre V du livre V de la partie réglementaire du code de l’entrée et du séjour et du droit d’asile. Des normes d’équipement et de confort plus favorables ont ainsi été élaborées et les missions relatives à l’assistance juridique et au soutien matériel et psychologique des étrangers retenus ont été précisées. Ces évolutions, qui se sont traduites par la fermeture des centres de rétention de Versailles, de Saint Louis, de Marseille-Arenc et de la partie homme du Palais de Justice de Paris, ont reçu un accueil favorable de la part des organes internationaux en charge du respect des droits de l’Homme. Ainsi, à l’occasion de sa dernière visite en octobre dernier, le comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants a pu constater des conditions d’accueil satisfaisantes constatées dans les centres de rétention de Palaiseau, de Toulouse-Cornebarrieu, de Vincennes II et de Marseille-Canet, sites inspectés au cours de leur visite en France. A la fin de l’année 2006, l’ensemble des centres respectent les nouvelles prescriptions. Enfin, comme le souligne la Cour et dans le cadre de la volonté gouvernementale de renforcer les droits des retenus, une commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d’attente a été mise en place par la loi du 26 novembre 2003 précitée et par le décret n°2005-616 du 30 mai 2005 codifié à la section 3 du titre Ier du livre Ier de la partie réglementaire du code de l’entrée et du séjour et du droit d’asile précité.

Cette instance est chargée de veiller au respect des droits des étrangers maintenus dans les lieux de rétention et dans les zones d’attente conformément au code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ainsi qu’au respect des normes relatives à l’hygiène, la salubrité, la sécurité, l’équipement et l’aménagement de ces lieux. Elle se caractérise par la diversité de ses membres puisqu’elle rassemble des magistrats de l’ordre judiciaire et administratif, des représentants des assemblées parlementaires, des représentants de la société civile au travers de deux associations (la Croix Rouge française et la Cimade), une personnalité qualifiée en matière pénitentiaire désignée par le Garde des sceaux, ministre de la justice et des représentants de l’administration. Cette diversité est source d’échanges et permet d’enrichir les débats relatifs aussi bien aux conditions de maintien des étrangers en attente de leur éloignement du territoire, qu’à l’amélioration constante des conditions de rétention ou aux garanties apportées à ces étrangers dans l’exercice de leurs droits. Le travail de cette commission s’inscrit dans une volonté de transparence sur l’évolution des conditions de rétention. Après chaque visite, la commission établit un rapport à l’attention du ministre de l’intérieur, assorti le cas échéant de recommandations. De surcroît, chaque année, elle remet un rapport d’activité, assorti éventuellement de recommandations visant à améliorer les conditions matérielles et humaines de maintien en rétention ou zone d’attente et joint ses observations au rapport sur les orientations de la politique d’immigration déposé par le Gouvernement devant le Parlement. A ce jour, la commission a visité les deux CRA de Paris, les CRA de Palaiseau, de Coquelles, du Mesnil-Amelot et de Lyon, ainsi que le LRA de Nanterre.


B- L’exercice des droits des étrangers

Comme le souligne la Cour, l’intégralité des centres de rétention administrative disposent aujourd’hui d’un règlement intérieur pris en application de l’arrêté INT D 0600425A du 2 mai 2006. D’ici la fin de l’année 2006, ces règlements vont être traduits par l’administration centrale du ministère de l’intérieur dans les langues les plus couramment utilisées et recensées dans l’arrêté INT D 0600426A paru au Journal officiel du 6 mai 2006. Au-delà, la Cour s’inquiète des conditions du recours à un interprète, prévu à l’article L 551-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), et notamment en matière d’asile.
Sur ce point, il convient de souligner d’une manière générale qu’en application de l’article R 553-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précité, la mise à disposition et la prise en charge par l’administration des frais liés à l’assistance d’un interprète pour les étrangers maintenus dans un lieu de rétention qui ne comprennent pas le français, ne sont exigées que dans le seul cadre des procédures d’éloignement dont ils font l’objet. En matière d’asile, on rappellera que l’article R 723-1 du code précité précise que les demandes de reconnaissance du statut de réfugié, qu’elles soient déposées au guichet d’une préfecture ou en rétention administrative, doivent être rédigées en français. Par ailleurs, s’agissant spécifiquement des demandes d’asile adressées alors que l’étranger est maintenu dans un centre ou un local de rétention, ce sont les articles R 553-15 à R 553-17 du code précité qui régissent cette question. En outre, cette démarche ne constituant pas un élément de la procédure d’éloignement, les dispositions de l’article R 553-11 du code précité, qui mentionnent qu’en dehors des procédures d’éloignement, la rétribution d’un interprète est à la charge de l’étranger, s’appliquent. Néanmoins, il apparaît clairement que l’administration ne saurait faire obstacle au droit des étrangers de se faire assister d’un interprète ou du traducteur de leur choix. A ce titre, les centres de rétention administrative mettent à disposition, pour la plupart d’entre eux, les coordonnées téléphoniques des greffes des TGI qui disposent de listes d’interprètes traducteurs agréés. Il convient enfin de souligner que le Conseil d’Etat a, dans sa décision n°282275 du 12 juin 2006, confirmé la légalité de l’intégralité des dispositions du décret du 30 mai 2005 et rejeté le recours en excès de pouvoir déposé par différentes associations, et particulièrement de celles concernant l’asile en rétention. Ainsi, la Haute juridiction a considéré que « ni les articles L 111-7, L.111-8, L 551-2, L 723-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ni aucune disposition législative, ni aucun principe s’imposant au pouvoir réglementaire ne font obligation à l’Etat d’assumer les frais résultant de l’assistance des interprètes mis à la disposition des demandeurs d’asile dans le cadre de la présentation des demandeurs d’asile ». En outre, la section du contentieux a estimé que « si les associations requérantes soutiennent que les demandeurs d’asile ne sont pas tous placés dans une situation identique, dès lors que certains maîtrisent la langue française ou peuvent avoir recours, à leur charge, à un interprète, cette circonstance de pur fait ne saurait révéler une différence dans la situation juridique des intéressés et est, dès lors, dans incidence sur le respect du principe d’égalité ». S’agissant de l’information préalable des étrangers sur leurs déplacements, de nombreuses améliorations ont été effectuées contrairement à ce qu’indique la Cour. Ainsi, le centre de rétention du Mesnil-Amelot procède, tous les jours, à l’affichage des prévisions de départ des étrangers retenus. Plus généralement, conformément d’une part à l’article L 553-5 du CESEDA, et, d’autre part, à l’article 24 du modèle de règlement intérieur figurant en annexe de l’arrêté INT D 0600425A du 2 mai 2006 précité, l’ensemble des centres de rétention administrative assurent l’information des étrangers retenus sur l’état de leur dossier administratif, à leur demande. L’administration prend toutefois acte du constat de la Cour qu’elle est parfois faite avec retard et considère que ces pratiques peuvent éventuellement s’expliquer par la multiplicité des tâches des greffes. Pour y remédier, l’article R 553-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précité prévoit la possibilité d’adjoindre auprès
des chefs de centre, par arrêté interministériel, un responsable de la gestion des dossiers administratifs dont l’une des missions consisterait à informer les retenus sur l’évolution de leur dossier. Un projet d’arrêté est actuellement en cours de rédaction au sein des services du ministère de l’intérieur. Enfin, on notera que la commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d’attente n’a émis aucune remarque particulière à l’occasion de ces dernières visites dans les CRA sur ce point.



C- Le renforcement tardif des capacités d’accueil
L’augmentation de capacité de rétention a été conforme à la prévision avec 263 nouvelles places ouvertes entre janvier 2003 et juin 2005. Cet accroissement s’est principalement fait grâce à l’extension des centres de Lyon, Lille, Toulouse, Bordeaux, Sète, Rouen et Coquelles, ainsi que la restitution de places au Mesnil-Amelot, permettant d’augmenter la capacité de 244 places, pour un montant global de travaux de 5 M€. Seules les augmentations de capacité du centre de Coquelles de 56 à 75 places et du centre de Marseille Arenc (de 48 à 60 places), soit 31 places,
se sont faites à superficie constante. Le programme d’extension de la capacité a été décidé dès la fin de l’année 2004 avec la création de 5 centres par la police nationale (Marseille Le Canet, Toulouse, Lille, Orly et Deuil la Barre), et 4 centres par la gendarmerie (Mesnil Amelot, Metz, Perpignan et Rennes). La procédure retenue pour la réalisation de ces centres n’est pas la location avec option d'achat (LOA), mais la procédure de conception réalisation aménagement exploitation maintenance (CRAEM), permettant de sélectionner sur la base d’un programme technique détaillé, un groupement constitué d’un architecte, d’un bureau d’études techniques, d’une entreprise de construction et d’une entreprise de maintenance ayant la charge du site pendant 3 ans. A titre exceptionnel, le délai de réalisation a été le premier critère de choix des attributaires.

Cette procédure dérogatoire, prévue par la LOPSI, a permis de livrer les nouveaux centres moins de 18mois après la décision de lancement des opérations. Il n'y a pas d'autre exemple de construction publique de cette importance menée dans ces délais. Ce programme a été confirmé lors de la réunion du comité interministériel du 22 juillet 2005 et complété par l’extension des centres d’Hendaye, Rouen et Coquelles et la création d’un centre à Nîmes et d’un centre à Roissy-en-France en substitution du centre de Deuil la Barre. Ainsi, ce sont bien 10 centres qui seront créés d’ici juin 2008, pour une capacité totale de 1.162 places de rétention, sans compter les projets d’extension. Le nombre de places de rétention administrative en métropole est
passé de 943 en juin 2005 à 1.288 en septembre 2006, notamment grâce à la livraison du centre de Palaiseau (38 places) en octobre 2005 et à l’ouverture en 2006 des centres de rétention administrative de Plaisir (33 places), Marseille Le Canet (136 places), Toulouse (126 places), et aux extensions de Paris Vincennes (+80 places), Rouen Oissel (+20 places) et Geispolsheim (+8 places). Dans le même temps, le centre de rétention administrative de Marseille – Arenc (60 places) et la partie hommes du dépôt à Paris (66 places) ont été fermés. La livraison de 96 places en novembre 2006 à Lille et les extensions des centres de Rouen-Oissel (+14 places) et de la partie femmes du dépôt à Paris (+8 places) ainsi que la livraison des centres provisoires de la gendarmerie nationale à Rennes et Metz permettront de porter la capacité à 1.451 places d’ici janvier 2007. L’augmentation de capacité du CRA de Rouen a été réalisée en réhabilitant une partie non utilisée du bâtiment et non pas à superficie constante. Par ailleurs, l’augmentation de capacité du CRA de Bobigny s’est faite dans le respect les normes du décret du 30 mai 2005.

D- Les locaux de rétention administrative
La Cour souligne à juste titre les contraintes supplémentaires qui sont désormais imposées en matière d’aménagement des locaux de rétention administrative (LRA) mais regrette l’absence d’obligation pour ces structures de disposer d’une salle réservée au service médical, d’un espace
de promenade à l’air libre et d’une salle de détente. En application de l’article R 553-6 du code précité, seuls sont en effet exigés pour les locaux de rétention administrative les équipements suivants :

- des chambres collectives non mixtes
- des équipements sanitaires en libre accès, comprenant des lavabos, douches et w-c
- un téléphone en libre accès
- un local permettant de recevoir des visites
- un local réservé aux avocats
- une pharmacie de secours.

L’ensemble de ces équipements doit permettre un accueil digne des retenus pendant la courte durée de placement dans les locaux de rétention administrative puisqu’en application de l’article R 551-3 du code précité, la durée maximale de placement dans ce type de structure est limité, sauf exceptions prévues par la réglementation, à 48 heures. Par ailleurs, se plaçant sur le terrain juridique, la Cour estime que l’exercice effectif des droits des étrangers retenus en LRA n’est pas entouré des mêmes garanties qu’en centre de rétention en indiquant que l’intervention d’une association à caractère national ayant pour objet d’informer les étrangers et de les aider à exercer leurs droits n’est pas rendue obligatoire dans les locaux de rétention. Il est exact que le décret du 19 mars 2001 prévoyait que l’action de l’association chargée du soutien juridique des étrangers retenus dans les CRA s’exerçait aussi dans les LRA et dans des conditions définies dans la convention que cette association passait avec l’Etat pour l’ensemble des lieux de rétention du territoire national. Si ce principe est maintenu dans le nouveau régime réglementaire de la rétention administrative puisque l’article R 553-4 du code précité prévoit aussi la possibilité de bénéficier d’un soutien juridique dans les LRA, il n’impose toutefois, pas qu’il soit fourni par la même association que dans les CRA. Cette rédaction tient en fait compte de l’impossibilité matérielle et objective, pour une seule association, d’assurer l’intégralité des
interventions dans les locaux de rétention. Cette « décentralisation » du soutien juridique ne porte toutefois pas de rupture d’égalité entre les étrangers maintenus en CRA et ceux maintenus en LRA. On notera en outre que la Cimade, association qui intervient en centre de rétention en application du marché public passé en janvier 2006 avec l’Etat, continue d’intervenir dans de nombreux locaux de rétention administrative permanents (Limoges, Choisy-le-Roi par exemple). Au-delà, la Cour signale l’absence d’obligation pour l’administration de tenir à jour et de publier l’inventaire des LRA ouverts sur le territoire national. Sur ce point, il convient tout d’abord de noter que les préfectures sont tenues d’assurer la publicité des arrêtés portant création des locaux de rétention, que ces derniers soient temporaires ou permanents. Cette publicité prenant la forme d’une parution au recueil départemental des actes administratif, l’ensemble des acteurs de la rétention, et notamment les associations en charge du soutien aux étrangers, sont informés de l’existence d’un lieu de rétention. En outre, en application de l’article R.553-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, une copie de l’arrêté de création d’un LRA est transmise sans délai au procureur de la République, au directeur départemental des affaires sanitaires et social et au président de la commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d’attente. Cette formalité substantielle, qui garantit la régularité de la création du local, permet donc à la commission de contrôle de disposer d’une liste actualisée des locaux de rétention administrative et d’assurer plus efficacement les missions qui lui sont confiées par la loi du 26 novembre 2003 précitée. La Cour note par ailleurs que le recours aux locaux de rétention administrative se développe. Elle estime aussi que certains LRA sont utilisés en lieu et place des centres de rétention et s’inquiète de l’absence d’un dispositif suffisant de contrôle. Le recours plus fréquent aux locaux de rétention administrative est corrélé à la forte augmentation, depuis 2002, du nombre d’étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement (le nombre de mesures prononcées a progressé de 50% entre 2002 et 2005) et à l’absence de places immédiatement disponibles en centre de rétention administrative, les délais de construction des nouvelles structures d’accueil ne permettant pas une mise à disposition immédiate. Aussi, lorsqu’il est impossible de procéder à un transfert immédiat en CRA, le recours au LRA doit nécessairement être mis en oeuvre. Dans cette hypothèse, l’administration centrale du ministère formule des instructions aux préfectures qui vont dans le sens d’une application stricte du décret n°2005-617 du 30 mai 2005 codifié. Il faut alors distinguer les LRA temporaires et permanents :
- s’agissant des LRA temporaires, il est demandé aux services territoriaux de recourir autant que faire se peut aux prestations d’un établissement hôtelier, quitte à les réquisitionner ;
- s’agissant des LRA permanents, deux cas peuvent se présenter : soit les services de police disposent, dans leurs locaux, d’un espace aménagé, soit un local se situant en dehors des locaux de police ou de gendarmerie est dédié au LRA et spécialement aménagé. C’est le cas des LRA d’Allonnes (Sarthe) qui a ouvert au début de l’année 2006 (appartement aménagé) ou de Cercottes (Loiret) qui a été aménagé dans une ancienne caserne de gendarmes.

A titre anecdotique, on relèvera que la liste des LRA adressée à la Cour par la DLPAJ à la suite du recensement effectué en mai 2006 ne concernait que les LRA permanents. Or, le LRA d’Amiens, cité par la Cour comme ne figurant pas dans ce document, est un local à vocation temporaire. Il convient cependant de souligner que ce recensement a montré que, à l’exception de cinq locaux, tous respectent les durées maximales de rétention prévues par l’article R 551-3 du code précité qui limite à 48 heures la durée maximale de maintien des étrangers dans les locaux de rétention administrative, sauf dans l’hypothèse où il n’existe pas de centre de rétention administrative dans le ressort du tribunal administratif amené à statuer sur la légalité d’un arrêté de reconduite à la frontière ou dans le ressort de la cour d’appel compétente pour statuer sur l’ordonnance du juge des libertés et de la détention. Dans ces cas, l’étranger peut être maintenu jusqu’à ce que le président du tribunal administratif ou jusqu’à ce que la cour d’appel ait statué.
En outre, les articles R 552-17 et R 552-18 du code précité précisent, qu’en dehors des audiences de prolongation de rétention, l’étranger en rétention qui en fait la demande peut saisir le juge des libertés et de la détention afin que soit réexaminée sa situation. Celui-ci peut, dans ce cadre, mettre fin à la rétention lorsque des circonstances nouvelles de droit ou de fait apparaissent. Le maintien des étrangers en local de rétention au-delà de la période réglementaire rentre dans le cadre de ce dispositif qui tire toutes les conséquences de la réserve d’interprétation établie par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 novembre 2003.
Toute absence de respect des dispositions réglementaires est donc susceptible d’être sanctionnée par les juridictions, ce qui constitue en soi un dispositif de contrôle de l’action administrative. Reste que, et bien que cette pratique ne concerne que 7.8% des LRA et 6% des étrangers retenus, l’administration ne saurait approuver ou tolérer des pratiques qui seraient contraires à la réglementation en vigueur. Aussi, toutes les instructions ont été données aux préfectures concernées afin qu’une application stricte du décret précité soit effectuée. On notera enfin que l’intégralité des LRA ont désormais un fondement légal, ce qui répond favorablement aux observations formulées par la Cour dans son relevé de constatations provisoires.

La rétention des étrangers en situation irrégulière (2ème Partie)

(Rapport de la Cour des Comptes, 2ème partie)

II - Les résultats de la politique d’éloignement
La Cour avait recommandé un renforcement des mesures de lutte contre l’immigration irrégulière, préalable indispensable à l’amélioration des modalités d’accueil et d’intégration des immigrants. Elle relève les efforts récemment entrepris en matière de politique d’éloignement. Le nombre d’étrangers éloignés du territoire national est passé de 10 067 en 2002 à 19 841 en 2005. Ce résultat a été obtenu par l’augmentation des placements en rétention à la suite du renforcement très sensible des interpellations d’étrangers en situation irrégulière et des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF). De surcroît, selon les statistiques de la DLPAJ, le taux de reconduite des étrangers retenus dans les CRA a été relevé de 38 % en 2002 à 68 % en 2005.

A - L’accroissement du nombre d’étrangers retenus
Le ministre a demandé aux préfets, dans une circulaire du 22 octobre 2003 puis de façon réitérée, d’intensifier les contrôles d'identité sur la voie publique en mobilisant toutes les possibilités ouvertes par l'ordonnance du 2 novembre 1945 et l'article 78-2 du code de procédure
pénale. Instruction leur a été donnée de prendre systématiquement des arrêtés de reconduite à la frontière (APRF) à l'encontre des personnes interpellées en situation irrégulière. Chaque préfet de département s’est vu assigner un nombre d’éloignements à effectuer dans l’année. De fait, le nombre des interpellations d’étrangers en situation irrégulière s’est élevé en métropole à 82 814 en 2005, en hausse de 67 % par rapport à 2002. Le total des mesures d’éloignement décidées a connu une progression de 50 %, atteignant le nombre de 73 705. Enfin, 29 257 étrangers ont été placés dans un centre de rétention, soit 16 % de plus qu’en 2002.

B - L’augmentation du nombre des reconduites
Elle est due à la forte augmentation, de 16 200 en 2002 à 24 124 en 2005, du nombre de dossiers transmis par les préfectures au bureau centralisateur de la DCPAF, le bureau de l’éloignement (« Burel »), mais aussi à la plus grande capacité de ce dernier à les traiter. Ainsi, le
pourcentage des mesures d’éloignement reçues par le bureau mais non exécutées a baissé de 39 % à 30 %. L’interruption de la procédure d’éloignement sur décision du juge administratif ou judiciaire n’a touché que 8,9 % des dossiers transmis en 2005 au lieu de 10,6 % en 2002. En particulier, la part des assignations à résidence154 est devenue marginale. Le doublement de la durée moyenne de rétention ainsi que différentes initiatives du ministère ont permis de faciliter la délivrance des laissez-passer consulaires qui n’ont pas été obtenus dans les délais dans 5,8 % des cas en 2005 au lieu de 7,9 % en 2002. L’échec des éloignements causé par la reconnaissance des demandes d’asile est devenu très rare du fait de la réduction du délai imposé pour les formuler. En outre, les motifs d’échec constatés par la DCPAF au moment de la mise en oeuvre matérielle des éloignements ont reculé. Les refus d’embarquer des étrangers n’ont empêché que 3,4 % des éloignements contre 6,4 % en 2002, notamment grâce au recours accru au transport aérien sous escorte. L’évolution est encore plus nette pour l’absence de moyens de transport qui n’a interrompu que 1,1 % des procédures d’éloignement dont le bureau de l’éloignement a été saisi au lieu de 4,2 % trois ans auparavant. Les centres de rétention administrative sont au carrefour d’un ensemble de procédures administratives et juridiques complexes qui mobilisent des moyens importants au sein des services de police et de gendarmerie, des préfectures, ainsi que des juridictions et des services consulaires. Le renforcement du dispositif administratif et policier mis en oeuvre a permis au ministère de l’intérieur de doubler le nombre de reconduites à la frontière sans remédier néanmoins aux dysfonctionnements observés en amont à divers stades de la procédure. En effet, si 68 % des personnes placées en rétention ont été éloignées du territoire national en 2005, le pourcentage n’est que de 27 % par rapport à l’ensemble des étrangers frappés d’une mesure d’éloignement et même de 17 % pour l’ensemble de ceux qui ont été interpellés en situation irrégulière. Les résultats de cette politique ne doivent donc pas être mesurés uniquement à travers le nombre de reconduites effectives mais aussi au regard des moyens mobilisés. Les décisions d’assignation à résidence n’ont empêché l’exécution que de 1,9 % des mesures d’éloignement en 2005 au lieu de 2,9 % trois ans auparavant. 155) La reconnaissance des demandes d’asile n’a interrompu en 2005 que 0,8 % prodécures d’éloignement transmise au Burel contre 2,0 % en 2002.

C - La mesure des résultats obtenus
Le dispositif de suivi statistique présente un certain nombre de lacunes et d’incohérences qui font douter de sa fiabilité et empêchent de mettre en perspective les moyens mis en oeuvre et les résultats obtenus en nombre d’étrangers effectivement éloignés du territoire national.

1 - La fiabilité du dispositif statistique de suivi
L’absence de résultats connus des APRF par voie postale (34 429 en 2005) est une première source de difficulté. Dans les statistiques, le nombre d’éloignements effectivement exécutés à la suite de tels arrêtés est quasiment nul. En conséquence, le taux d’exécution des mesures prononcées est très différent selon que l’on inclut ou pas les APRF par voie postale. Pourtant, la DLPAJ a constamment réaffirmé au cours des dernières années, notamment par voie d’instruction aux préfets, la nécessité de prendre systématiquement de tels arrêtés à l’encontre des étrangers auxquels était opposé un refus de titre de séjour, arguant qu’ils étaient exécutables sans délai en cas d’interpellation. De manière générale, le suivi des éloignements décidés et non exécutés est défectueux. Jusqu’en 2004, la DLPAJ a produit des statistiques annuelles pour l’ensemble des mesures décidées. Les décisions non exécutées étaient réparties par catégorie de mesures et par cause d’échec, mais l’analyse était succincte et approximative. Désormais, la DLPAJ n’assure plus le suivi systématique des causes de non aboutissement des mesures d’éloignement. Celui-ci est dévolu au bureau de l’éloignement qui n’est pourtant saisi que du tiers des dossiers. Les statistiques annuelles sont établies seulement pour les éloignements décidés et exécutés. Toutefois, le manque de cohérence de ces données conduit à douter de leur fiabilité. Par exemple, le nombre des éloignements n’ayant pas abouti en 2005 (53 856) ne correspond pas à la somme des mesures non transmises (49 581) et des mesures non exécutées par ce bureau (7 312). Enfin, des données partielles sur les diverses causes d’échec recensées sont centralisées par la DLPAJ. Classées en quelques rubriques peu homogènes et parfois redondantes, elles ne portaient en 2005 que sur 21 361 mesures représentant moins de la moitié des éloignements non exécutés dans l’année. Même en déduisant la totalité des APRF par voie postale, au moins sept mille cas d’échec restent inexpliqués.

2 - L’analyse insuffisante des difficultés rencontrées
La mesure des résultats obtenus en regard des moyens mis en oeuvre en amont de la rétention administrative est problématique. Les interpellations ont été doublées, mais moins d’une sur deux donne lieu à un APRF. Le ministère ne dispose pas d’analyses suffisantes de cette situation alors qu’un important dispositif policier et administratif est mobilisé par les quatre-vingts mille interpellations opérées annuellement. La référence à l’expiration du délai de garde à vue, susceptible d’empêcher d’instruire le dossier de l’étranger, reste imprécise et non évaluée. Les autres motifs cités ne sont pas de nature à justifier les pourcentages enregistrés. De même, les mesures d’éloignement se sont fortement accrues, mais moins de 40 % sont suivies d’un placement en rétention et ce taux s’est nettement dégradé de 2002 à 2005157. La seule explication invoquée est le manque de places dans les centres et locaux de rétention. Les statistiques de la DLPAJ évaluent à 7 461 le nombre d’étrangers libérés en 2005 pour ce motif. L’insuffisante capacité d’accueil des CRA n’apparaît pas néanmoins à la mesure du décalage observé qui a porté sur près de vingt mille personnes. Enfin, les causes et le taux de refus par le juge des libertés et de la détention des demandes de prolongation de la rétention ne sont plus
suivis. Le ministère n’est pas en mesure de produire le taux de remise en liberté des personnes retenues pour vice de procédure imputable aux services, qui est pourtant l’un des indicateurs inscrits dans le programme annuel de performances de la police nationale.

D - Le coût de la politique d’éloignement
L’absence d’évaluation véritable du coût global de la politique d’éloignement contraste avec la priorité absolue donnée par le ministère de l’intérieur à l’accroissement du nombre d’étrangers reconduits à la frontière à partir des centres de rétention. Le rapport entre le nombre d’interpellations d’étrangers en situation irrégulière et le nombre d’APRF pris sur interpellation est relativement stable : 46,0 % en 2001, 43,7 % en 2002 et 45,6 % en 2005. Le rapport entre le nombre d’éloignements décidés et le nombre de placements en rétention a baissé de 51,2 % en 2002 à 39,7 % en 2005.
Le coût de fonctionnement des centres de rétention n’est toujours pas établi avec précision. En outre, à ces charges de fonctionnement s’ajoute le coût des reconduites à la frontière qui ne fait l’objet d’aucun chiffrage comme l’a souligné la commission d’enquête sénatoriale sur l’immigration clandestine dans un rapport publié en avril 2006. La Cour avait déjà constaté en 2004 que la direction générale de la police nationale ne connaissait pas le montant réel des dépenses engagées au cours des années précédentes pour le fonctionnement des centres de rétention administrative gérés par ses services (DCSP et DCPAF) au moyen des crédits centralisés de l'article 27 « reconduites à la frontière » du chapitre 34-41. Les bilans financiers établis, à la demande de la juridiction, par la direction de l’administration de la police nationale (DAPN) étaient inexploitables à cause du caractère à la fois incomplet et hétérogène des données collectées auprès des préfectures. Ils n’intégraient pas les dépenses engagées par un certain nombre de centres importants. La nature des dépenses prises en compte était différente d'un CRA à l'autre. L’ensemble des frais de fonctionnement (alimentation, entretien courant des locaux, blanchisserie, frais d'interprétariat, frais consulaires) devant normalement relever du budget des centres au vu des instructions en vigueur n’était pas systématiquement intégré. Inversement, certaines dépenses relevant d’autres budgets étaient parfois comptabilisées, comme les dépenses médicales et d'hospitalisation, les frais d’usage des véhicules (carburant, péage) ou le coût de travaux d'aménagement. En conséquence, l’estimation par la DAPN d’un coût annuel de l’ordre d’1M€ pour l’ensemble des CRA de métropole et d’outremer ne pouvait être considérée comme significative et fiable. Selon les dernières informations transmises à la Cour, la DGPN évalue désormais à 6,658 M€ en 2004 et 8,091 M€ en 2005 la somme des dépenses de fonctionnement engagées dans les CRA placés sous sa responsabilité. D’un montant beaucoup plus élevé qu’antérieurement, ces estimations ne paraissent cependant toujours pas exhaustives. Ainsi, la comptabilisation des frais d’hébergement et de restauration (1,780 M€ en
2005) ou d’entretien des locaux (1,006 M€) reste partielle et variable d’un CRA à l’autre. Alors que les frais de transport sont normalement comptabilisés par ailleurs, certains sont néanmoins imputés au fonctionnement de quelques centres. Aucune dépense n’est enregistrée pour le CRA de Bordeaux. Au total, hormis ce dernier, le coût de la rétention aurait fluctué en 2005 de 0,56 € à 85,44 € par étranger et par jour. De tels écarts jettent le doute sur l’exactitude des derniers bilans financiers établis par le ministère. Outre le fonctionnement des CRA, la direction générale de la police nationale reconnaît qu’elle n’est pas encore en capacité de calculer le coût analytique global de l’éloignement d’un étranger en situation irrégulière, supporté par ses services. Celui-ci devrait résulter de l’analyse des dépenses engagées en fonctionnement et en investissement par l’ensemble des acteurs aux différentes étapes de la procédure. Il conviendrait de valoriser les dépenses de personnel engagées dans les centres (890 policiers en mai 2006), mais aussi, en amont de la rétention, dans les services de police (interpellations, gardes à vue, transferts) et les préfectures (378 agents en équivalent temps plein affectés à l’éloignement), comme en aval (transports des étrangers éventuellement sous escortes internationales). Les estimations sommaires transmises à la Cour (40 M€ en 2002, 76 M€ en 2004 et 100 M€ en 2005), résultats d’un premier effort d’analyse dans le cadre de la préparation du budget de 2007, portent en fait sur les éléments de coût de l’ensemble des actions de lutte contre l’immigration irrégulière, au-delà de la seule politique de l’éloignement. Ainsi, les dépenses de fonctionnement prises en compte (16,6 M€ en 2004, 21,0 M€ en 2005) concernent aussi les zones d’attente, particulièrement celle de Roissy (8,14 M€ en 2004, 9,27 M€ en 2005). Au titre des frais de personnel, elles recouvrent, sauf la police aéroportuaire, toutes les missions de la PAF, notamment les contrôles aux frontières extérieures, qu’il conviendrait de dissocier des missions strictement liées à la reconduite des étrangers à la frontière. En revanche, des services participant à cette dernière, autres que la police aux frontières ou la sécurité publique, ne sont pas pris en compte, comme ceux des préfectures départementales, de la préfecture de police de Paris ou des compagnies républicaines de sécurité. Hormis le nombre d’éloignements réalisés dans l’année, le ministère de l’intérieur n’a pas été en mesure en 2006 de produire les deux autres indicateurs retenus dans le projet annuel de performances de la police nationale en application de la loi organique sur les lois de finances (LOLF). Tel a été le cas en effet non seulement, comme déjà mentionné, de l’indicateur n°3 sur le taux de remise en liberté des personnes placées en rétention administrative, mais aussi de l’indicateur n°1 « coût moyen d’une rétention en CRA police », dont la portée est pourtant limitée puisqu’il ne prend en compte que les heures de fonctionnaires consacrées à la garde des étrangers retenus (y compris leur présentation devant les autorités administratives, judiciaires et consulaires), les frais inhérents aux escortes internationales, le coût des moyens de transport mis en oeuvre et les frais de fonctionnement des CRA. La Cour note que le ministère s’est engagé à produire cet indicateur en 2007 grâce à la mise en oeuvre de la main courante informatisée au sein de la PAF et à la généralisation du logiciel ELOI dédié à la gestion des CRA.

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

La relance de la politique d’éloignement du territoire des étrangers en situation irrégulière, partie intégrante d’une politique globale d’immigration a été engagée avant même que l’adaptation nécessaire des capacités des centres de rétention ne soit assurée. De même la mise aux normes de l’aménagement des CRA a été tardive. Le respect de l’exercice des droits des étrangers retenus reste incomplet. A l’avenir, un contrôle plus rigoureux devrait être exercé sur les conditions de séjour des étrangers notamment dans les locaux de rétention administrative dont l’usage n’est pas aujourd’hui suffisamment encadré. Le doublement du nombre de reconduites à la frontière a été obtenu au prix d’un accroissement important des moyens mobilisés pour le fonctionnement des centres, mais aussi dans les préfectures et dans les services de police et de gendarmerie, sans que l’ensemble des dysfonctionnements existant en amont de la rétention ait été corrigé. Il conviendrait d’avoir une mesure plus précise de l’efficacité de l’action publique à chaque stade de la procédure. A cet égard, le ministère de l’intérieur devrait se doter d’un véritable outil d’analyse des difficultés rencontrées. Enfin, il doit progresser dans l’évaluation du coût global de cette politique qui paraît avoir été négligée jusqu’à présent. A cet égard, il lui faut se mettre rapidement en conformité avec le projet annuel de performance de la police nationale.

Le fichier des étrangers expulsables suscite toujours l'inquiétude des associations

Source AFP, Le Monde, 30 décembre 2007

Le fichier Eloi est de retour. Cette base de données des étrangers expulsables avait été créée par le ministère de l'intérieur en juillet 2006. Mais, à la suite d'un recours d'associations, le fichier avait été annulée par le Conseil d'Etat en mars 2007, qui avait estimé qu'il devait donner lieu à un décret et passer par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

Le décret contenant la nouvelle mouture du fichier Eloi a été publié au Journal Officiel dimanche 30 décembre. Il crée un fichier automatisé de "données à caractère personnel relatives aux étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement" pour permettre "le suivi et la mise en oeuvre" de ces mêmes mesures.Dans sa nouvelle version, le fichier permettra toujours d'enregistrer une multitude de données sur un étranger expulsable : état-civil, identité des parents et des enfants, langues parlées, état de la procédure le concernant ou "nécessité d'une surveillance particulière au regard de l'ordre public." Le fichier sera accessible aux agents des services centraux du ministère de l'intérieur, des services préfectoraux et des services de gendarmerie ou de police "spécialement habilités".
Le gouvernement n'a pas encore atteint les objectifs qu'il s'était fixé en matière d'expulsions : 21 000 expulsions étaient effectives fin novembre sur les 25 000 fixées au titre de l'année 2007, ce qui est inférieur de 500 à la même période sur l'année 2006.
"FLICAGE DES SANS-PAPIERS"
Le décret ne fait plus mention de l'enregistrement des données relatives aux visiteurs d'une personne placée en rétention administrative, l'une des mesures les plus critiquées à l'époque par les associations. Si certaines données seront conservées seulement "trois mois après la date de l'éloignement effectif", celles concernant l'identité ou la filiation pourront être conservées trois ans.
Si les associations, que le ministère assure avoir régulièrement consulté, voient quelques avancées, elles restent très critiques. Pour le directeur général de France Terre d'Asile, Pierre Henry, le fichier s'inscrit encore "dans une philosophie 'Big Brother et Père Fouettard' qui tend à faire de l'immigration une question d'affrontement permanent".
Le président de la Ligue des droits de l'Homme, Jean-Pierre Dubois a estimé qu'"il y a de sérieux progrès", "mais il demeure qu'on est dans un fichage des sans-papiers comme s'il s'agissait de délinquants". Le président de SOS Racisme, Dominique Sopo, a qualifié d'"extrêmement dangereux" le fichier Eloi, déplorant notamment qu'il permette le "flicage" des personnes venant en aide aux sans papiers.

Salon expolangues à Paris

Du 6 au 9 février aura lieu le salon expolangues à Paris. Un espace sera consacré au français pour les migrants. Plusieurs conférences seront consacrées au sujet qui nous concerne, et on pourra aussi assister à la présentation de nouveaux matériaux des différentes maisons d'édition.
Ainsi pour ceux qui seraient intéressés à cet événement, nous pouvons obtenir les entrées et même envisager d'organiser le voyage ensemble.
Venez nombreux! On compte sur vous!

Coluche - L'arabe philosophe

Coluche - L'arabe philosophe

La rétention des étrangers en situation irrégulière


La rétention des étrangers en situation irrégulière,

(Rapport de la Cour des Comptes, 2007)

1ère Partie- Les conditions de la rétention administrative)

Les centres et les locaux de rétention administrative (CRA et LRA) sont utilisés pour retenir les étrangers en situation irrégulière avant leur éloignement du territoire national. Leur gestion est placée sous la responsabilité de la direction générale de la police nationale ou de la direction générale de la gendarmerie nationale. En juin 2006, dix-neuf centres de rétention administrative (seize gérés par la police, trois par la gendarmerie) étaient en service en métropole et trois outre-mer. Les centres de rétention administrative ont été créés le 5 avril 1984 par décision du Premier ministre et mis en place par le biais de simples circulaires sur le fondement de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France. Pendant longtemps, aucun texte réglementaire n’a fixé ni les lieux d'implantation ni le nombre de centres autorisés. Aucune condition particulière n'était requise pour ouvrir et gérer de tels lieux jusqu’à ce qu'un décret du 19 mars 2001 suivi de deux arrêtés interministériels du 24 avril 2001 viennent fixer la liste des CRA et définir les aménagements dont ceux-ci devaient bénéficier dans un délai de trois ans. Entre-temps, le fonctionnement des centres de rétention a subi l’impact, d’une part, de la décision prise en 2003 par le ministre de l'intérieur de doubler, dès l’année suivante, le nombre d’étrangers éloignés du territoire national en le faisant passer de dix à vingt mille, d’autre part, de l’allongement de la durée maximale de rétention, portée de 12 à 32 jours par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers et à la nationalité.

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, entré en vigueur le 1er mars 2005, dispose que peuvent être placés dans des lieux de rétention ne relevant pas de l’administration pénitentiaire les étrangers faisant l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière ou d’un arrêté d’expulsion, ainsi que ceux qui se trouvent en instance de réadmission dans un autre Etat membre de l’Union européenne. Pris en application dudit code, un décret du 30 mai 2005 relatif à la rétention administrative et aux zones d’attente a abrogé le décret du 19 mars 2001 en introduisant certaines améliorations sur les aménagements exigés tout en repoussant jusqu’au 31 décembre 2006 l’obligation de mise aux normes des locaux. La question des CRA et des LRA avait déjà été évoquée dans le rapport public particulier que la Cour avait consacré, en novembre 2004, à l’accueil des immigrants et l’intégration des populations issues de l’immigration. Elle recommandait notamment d’améliorer l’implantation immobilière des centres et de procéder à un recensement et à un contrôle des locaux de rétention. La Cour a décidé de procéder en 2006 à un examen plus approfondi et actualisé de cet aspect particulier de la
politique de reconduite aux frontières des étrangers en situation irrégulière.

I - Les conditions de la rétention administrative

A - Les conditions matérielles
Jusqu’en 2005, les conditions matérielles de la rétention n’ont pas respecté les obligations imposées à l'administration par l'arrêté interministériel du 24 avril 2001, pris en application du décret du 19 mars 2001 précité. L’aménagement des locaux n’a pas été mis en conformité à
l’échéance prévue du 31 décembre 2004. Des manquements a l’exigence d’espaces réservés aux femmes, de locaux de visite et d’un lieu de promenade extérieure ont été observés dans de nombreux CRA. Dans plusieurs CRA, parmi les plus importants, les conditions sanitaires et d’hygiène réservées aux étrangers étaient très dégradées et constituaient parfois une véritable atteinte à la dignité humaine. Elles ont été dénoncées par maints rapports dont, en dernier lieu, celui du Conseil de l’Europe de février 2006 sur le respect effectif des droits de l’homme
en France.

S’agissant des centres présentant les conditions matérielles d’accueil les plus vivement critiquées, il a fallu attendre mai 2006 et l’ouverture du nouveau CRA de Marseille-Le Canet pour que le centre de Marseille-Arenc soit enfin fermé, et juin de la même année pour qu’il en soit de même de la section des hommes du Palais de justice de Paris, transférée dans le CRA de Vincennes. Par ailleurs, un programme d’urgence a été mis en oeuvre en 2005 qui a en partie porté ses fruits. Doté d’un budget de 2 M€, il a permis d’améliorer l’état des locaux existants et de les munir d’un certain nombre d’équipements élémentaires faisant défaut jusqu’alors. Enfin, la commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d’attente, instituée par la loi du 26 novembre 2003 et organisée par le décret du 30 mai 2005 n’a été installée qu’en mars 2006. Chargée de veiller au respect des normes d’hygiène, de salubrité, de sécurité et d’aménagement, ainsi que des droits des étrangers dans les lieux de rétention, cette commission a le pouvoir de formuler des observations et des recommandations dans un rapport annuel.

B - L’exercice des droits des étrangers
L’information des étrangers retenus sur leurs droits ainsi que les conditions d’exercice de ces derniers sont restées insuffisantes. Jusqu’à une date récente, les centres n'avaient pas tous établi de règlement intérieur conforme, trois ans après la publication des textes le rendant obligatoire. Le recours à un interprète, prévu par l'article 35 bis de l'ordonnance de 1945 modifiée, est resté purement formel, de même que l’assistance d’un conseil. L'absence d’information préalable des étrangers sur leurs déplacements (audiences, présentation au consulat, embarquement), pourtant rendue obligatoire par le modèle de règlement intérieur de 2001, a été la source de fortes tensions dans les CRA. Des améliorations récentes ont été apportées en ce qui concerne le règlement intérieur. Des arrêtés du 2 mai 2006 ont réaffirmé l’obligation d’afficher le règlement traduit dans les langues les plus couramment utilisées afin de permettre la correcte information des étrangers sur l’exercice de leurs droits. En revanche, la situation reste toujours préoccupante s’agissant du droit de recourir à un interprète pendant toute la durée de la rétention, rappelé par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (article L.551-2). Aucune disposition n’est prise pour le mettre en oeuvre effectivement ce qui rend difficile, en particulier, les demandes d’asile qui doivent être formulées en français. De même, les dysfonctionnements relatifs à l’information préalable des étrangers sur leurs déplacements, désormais aussi inscrite dans le code (article L.553-5), ne sont pas levés.

C - Le renforcement tardif des capacités d’accueil
Les conditions de vie dans les CRA se sont fortement dégradées entre 2002 et 2005 en raison de l’augmentation des décisions de placement en rétention et surtout de l’allongement de la durée moyenne de séjour dans les centres qui a doublé de 5,3 à 10,2 jours. Le nombre moyen d’étrangers hébergés quotidiennement est passé de 370 en 2002 à 840 en 2005. La capacité totale d’accueil n’a pas évolué au même rythme. Le taux moyen d’occupation des centres s’est donc élevé de 55 % à 83 %. Avec des taux moyens de plus de 90 % en 2005, des CRA comme ceux de Paris, Bobigny ou Marseille, sont souvent arrivés à saturation. Le ministère de l’intérieur avait prévu de faire face au doublement des éloignements, d’une part, par un plan d'urgence prévoyant l'ouverture de 265 places supplémentaires avant la fin de 2004 d’autre part, par un programme dit « CRA-1000 » portant sur la construction de dix centres supplémentaires d'une capacité totale de 1000 places dans le cadre d’une procédure de location avec option d’achat sous maîtrise privée. Le programme CRA-1000 n’a pu voir le jour. En revanche, le plan d'urgence a été mis en oeuvre, pour plus de la moitié grâce à l’extension des locaux existants, l’occupation de nouveaux locaux plus vastes et la restitution au centre du Mesnil-Amelot des places prélevées en 2003 par la zone d’attente de Roissy. Pour le reste, l’accroissement des capacités d’accueil a été obtenu à superficie constante, ce qui a aggravé la promiscuité dans les centres. Au total, le nombre de places disponibles dans les CRA de métropole est passé de 682 en janvier 2003 à 944 en juin 2005, loin de l’objectif affiché initialement de 1215 à la fin 2004. L’adaptation de la capacité d’accueil des CRA aux nouveaux objectifs quantitatifs de la politique d’éloignement n’a été effective qu’à compter de 2006 avec l’ouverture de quatre nouveaux centres (Marseille-Le Canet, Toulouse-Blagnac, Roissy-Charles de Gaulle, Plaisir), l’extension de deux centres existants (Vincennes, Lille) et l’augmentation de places sans extension des locaux dans deux centres (Rouen, Bobigny).

En ajoutant les travaux accomplis sur les sites relevant de la gendarmerie nationale (création des centres de Metz et de Rennes, aménagement de celui de Strasbourg), la capacité totale des CRA de métropole devait atteindre 1.537 places en janvier 2007.

D - Les locaux de rétention administrative

1 - Un régime à deux vitesses
Le décret du 19 mars 2001 avait prévu la possibilité, lorsque les circonstances de temps ou de lieu font obstacle au placement immédiat dans un CRA, de placer l'étranger dans un local de rétention administrative (LRA) ouvert par arrêté préfectoral, généralement dans un commissariat. Comme ces locaux n'offrent pas les mêmes conditions d’accueil ni les mêmes garanties de respect des droits des étrangers, le placement doit y revêtir un caractère provisoire. Sa durée ne peut excéder 48 heures sauf en cas de recours, s'il n'existe pas de centre de rétention dans le ressort du tribunal administratif ou de la cour d'appel. Le décret du 30 mai 2005 n’a pas supprimé l’existence d’un tel système à deux vitesses. Il a néanmoins renforcé les contraintes imposées à l’aménagement des LRA qui doivent désormais disposer d’une pièce réservée aux avocats comme les CRA. Cependant, de grandes différences subsistent entre les deux régimes de rétention. Les exigences d'aménagement et d’équipement des LRA demeurent beaucoup plus sommaires. Ainsi, la salle réservée au service médical, l’espace de promenade à l’air libre et la salle de détente n’y sont pas obligatoires. L’exercice effectif des droits des étrangers retenus n’est pas entouré des mêmes garanties. Dans les centres de rétention, la réglementation impose l’intervention d’une association à caractère national ayant pour objet d’informer les étrangers et de les aider à exercer leurs droits. Dans les locaux de rétention, cette garantie n’est pas rendue obligatoire par le décret de 2005 (comme précédemment par celui de 2001) qui prévoit seulement que les étrangers « peuvent » bénéficier du concours d’une association « à leur demande ou à l'initiative de celle-ci ». D'ailleurs, la convention passée entre l’Etat et la Cimade, renouvelée en 2002 et 2006, prévoit l'intervention de cette dernière dans les centres et non dans les locaux de rétention administrative. Enfin, alors que la liste des CRA est fixée par arrêté interministériel, il n'existe toujours pas d'obligation pour l'administration de tenir à jour et de publier l'inventaire des LRA ouverts sur le territoire national.

2 - Un contrôle insuffisant
Loin d’être marginal, le recours aux locaux de rétention se développe. Selon les données fournies par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ), 9 674 étrangers y ont été maintenus en 2005 pour tout ou partie de leur rétention, contre 5 890 en 2002. Certains LRA ont une fréquentation équivalente à celle d'un centre de rétention. Le local de Choisy-le-Roi, par exemple, ouvert par le préfet du Val-de-Marne par arrêté du 22 juin 2001, accueille près de 1 500 étrangers par an. La DLPAJ a transmis à la Cour plusieurs inventaires différents des LRA permanents ouverts en métropole. Le plus récent, arrêté en mai 2006, en comportait 73, un grand nombre ayant été ouverts récemment. En revanche, certains, pourtant toujours en fonctionnement, ne figuraient pas sur cet inventaire, comme celui d’Amiens. Le recours aux locaux de rétention administrative est parfois non conforme aux textes. Déjà, les informations transmises en 2004 par la DLPAJ et la DCPAF sur la durée de séjour dans les LRA ont montré que le délai légal maximal de 48 heures pouvait être largement dépassé pour une proportion importante des étrangers retenus. Dans au moins neuf LRA sur 73, la durée moyenne de séjour des étrangers retenus était en 2005 comprise entre quatre et neuf jours. Certes, le maintien dans des tels locaux peut excéder 48 heures en cas de recours formé devant le tribunal administratif ou la cour d'appel, s'il n'existe pas de CRA dans le ressort de ces derniers. Cependant, la fréquence des recours ne suffit pas à justifier les durées observées. D’ailleurs, la durée moyenne de rétention dans certains locaux, comme celui de Versailles, dépasse 48 heures bien qu’ils soient situés dans un département doté d’un CRA dans les ressorts de la cour d’appel et du tribunal administratif. Un certain nombre de locaux de rétention administrative sont utilisés en lieu et place des centres de rétention. Certains étrangers y sont maintenus jusqu'à leur éloignement du territoire national. Cette constatation est corroborée par le décalage existant entre le nombre de reconduites à la frontières (19 841) enregistrées par la DCPAF et le nombre d’étrangers éloignés (17 198) à leur sortie des CRA au vu des statistiques de la DLPAJ. Par conséquent, la réglementation en vigueur tolère, sans prévoir un dispositif suffisant de contrôle, une dérogation importante au régime de droit commun applicable aux étrangers maintenus en rétention administrative. En période de saturation des capacités d'accueil des CRA, ce régime ambigu ne peut qu’encourager la multiplication des locaux de rétention administrative à caractère permanent et provoquer des risques d’abus.

Arenc, inhumaine antichambre du départ




Le Monde Diplomatique, 1999, Novembre, p.25






(Centre de rétention d'Arenc, Marseille)

RACHID M. a vingt-huit ans, il est algérien. Dans la pièce aveugle qui sert de parloir, à l’intérieur des locaux du centre de rétention d’Arenc, sur le port de Marseille, il évoque son histoire. Arrivé en France il y a dix-huit ans, il est interpellé en juin 1998 pour tentative de vol. Sans papiers, il est condamné à onze mois de prison pour séjour irrégulier. Et la préfecture décide de le reconduire dans son pays. Il se retrouve aujourd’hui dans l’antichambre de l’expulsion, après avoir purgé sa peine aux Baumettes. Rachid est atteint du sida, ce qui n’a pas empêché son transfert, sans que personne ne se soucie de la rupture de soins qui en découle : les établissements pénitentiaires ne prévoient pas de prise en charge du traitement au-delà de l’incarcération.

Des cas comme celui-ci ne sont pas rares. C’est ce qui ressort de la lecture du rapport (1) rendu public par la Cimade, seule association en France habilitée à pénétrer dans les centres de rétention (2). Son objectif : la prise en compte humaine des personnes que l’on renvoie. Grâce à l’intervention de son personnel, qui s’efforce, souvent dans l’urgence, de mettre un terme aux situations les plus critiques, Rachid M. sera finalement libéré. Mais d’autres n’auront pas eu cette chance : sur les 1 752 personnes passées à Arenc en 1998, 1 492 ont été expulsées.

« Depuis quelques années, l’efficacité à Arenc est à son maximum, précise le rapport : 80 % de reconduite avec un temps de présence au centre de plus en plus court, en moyenne cette année de 2,84 jours. C’est une machine qui tourne, reste à voir qui passe dans ses rouages. » C’est cette situation qu’ont voulu dénoncer les rédacteurs, qui en appellent à l’opinion publique autant qu’à l’administration, les expulsions étant exécutées en application de lois votées au nom du peuple français. « La situation au centre d’Arenc est indigne d’un Etat de droit, résume M. Hervé Gouyer, un permanent de l’association. On rétablit dans notre pays des pratiques d’un autre âge : celles du bannissement et du déni de justice. Maintenant que ce rapport est publié, plus personne ne pourra dire qu’il ne savait pas dans quelles conditions, souvent inhumaines, se déroulent les expulsions. »

A huis clos
CELA commence par les conditions de rétention. Des passerelles de l’autoroute du Littoral qui longent le Port autonome de Marseille, on aperçoit, quai d’Arenc, cet entrepôt désaffecté : le hangar A3. Dans sa partie supérieure, grillages et barbelés rappellent la présence policière. Ce sont les locaux du centre de rétention, plaque tournante de l’expulsion vers le Maghreb. Les bateaux qui font la navette avec l’Afrique du Nord n’accostent qu’à quelques centaines de mètres. Ordre de la préfecture : aucun journaliste n’y pénètre. Mais rien n’interdit de rendre visite aux étrangers qui y séjournent, dans ce que la Cimade dénonce comme « des conditions inhumaines de confinement ».

Le témoignage recueilli au parloir d’Arenc confirme les descriptions mentionnées dans le rapport : trois pièces sans fenêtres pour un effectif pouvant atteindre vingt personnes, une seule cabine téléphonique (à carte !), régulièrement défectueuse, pour tout lien avec l’extérieur, des conditions sanitaires déplorables et l’absence de permanence médicale. « Le seul aménagement dont le centre a bénéficié l’an passé, une promenade extérieure grillagée de 30 mètres carrés, n’a jamais été utilisé, ironise M. Gouyer, sans doute pour éviter qu’elle ne devienne la risée des Marseillais, de par son aspect enclos de zoo. »

Pour les étrangers qui transitent par Arenc, la Cimade représente souvent le dernier espoir auquel se raccrocher : sans son intervention, difficile de faire jouer les ultimes recours permettant d’éviter l’expulsion.

Or, sur les 1 752 étrangers passés en 1998, dont trois quarts de Maghrébins, l’association n’en a vu que moins de 500. Les autres sont restés trop peu de temps pour bénéficier de ses services (ou n’ont pas souhaité la rencontrer). Les données d’ordre personnel présentées dans le rapport sont donc tirées de 492 entretiens. Elles révèlent des atteintes systématiques à la vie familiale, selon la définition de la Cour européenne des droits de l’homme. Un quart des personnes interrogées ont leur compagnon en France ; un étranger sur quatre y a un ou plusieurs enfants - la plupart de ceux-ci étant de nationalité française ; la durée moyenne de présence en France est de neuf ans. Autant de catégories d’étrangers normalement protégées contre l’expulsion. « Les familles déchirées, les vies brisées se comptent ici par centaines. Nous devons quotidiennement lutter contre un impératif élevé en dogme : il faut renvoyer les étrangers. »

Comment en est-on arrivé là ? Comment et pourquoi un étranger se retrouve-t-il arrêté et expulsé alors qu’il pourrait en théorie bénéficier des protections prévues par la loi ? Avant 1981, l’expulsion était une mesure de police, sans aucune procédure particulière et sans protection légale pour l’étranger. Depuis, toutefois, la politique d’immigration a été marquée par le transfert d’une partie des prérogatives administratives vers la justice. A présent, le ministère de l’intérieur n’est plus le seul à décider des expulsions. Et la France dispose d’une panoplie de possibilités, administratives et judiciaires, pour renvoyer un étranger dans « son » pays. « Les pouvoirs publics se cachent derrière l’impartialité des tribunaux et la séparation des pouvoirs pour expulser à tout-va. Pour nous, la multiplication des écarts par rapport à la loi aboutit à une véritable politique d’expatriation », dénonce la Cimade.

Les exemples de cette dérive ne manquent pas. A commencer par les interdictions du territoire français (ITF). En 1998, plus de 40 % des étrangers retenus à Arenc étaient victimes de la « double peine » (lire l’article ci-dessus). Le rapport de la Cimade met l’accent sur le manque de protection des personnes frappées par une telle décision : « La seule restriction apportée par la loi réside dans l’obligation, pour le juge, de motiver sa décision quand il envisage de prendre une ITF à l’encontre d’un étranger. Résultat : chaque juge décide à sa façon de l’opportunité d’interdire ou non le territoire à un étranger. On observe d’énormes écarts d’un tribunal à un autre, et d’un juge à l’autre. »

Le zèle avec lequel les étrangers sont expulsés après une décision de justice se transforme parfois en acharnement. En 1997, nombre d’entre eux ont été renvoyés vers l’Algérie sans être de nationalité algérienne. Reconduits en France après plusieurs semaines d’incarcération dans le commissariat central d’Alger, ils sont condamnés, à leur retour, pour infraction à une mesure d’éloignement ! Certains ont fait l’aller-retour plusieurs fois. Cette « triple peine », quand elle n’est pas quadruple ou quintuple, a touché une centaine de personnes passées par le centre de rétention marseillais en 1998, et l’année 1999 semble s’y poursuivre au même rythme.

Procédures d’urgence
MAIS les dérives dans l’interprétation des textes ne sont pas propres aux décisions de justice. L’administration aussi a la possibilité d’expulser un étranger sans se soucier de la situation personnelle de l’intéressé, grâce aux arrêtés ministériels d’expulsion (AME). En théorie, celui qui commet un délit mineur sanctionné par une peine de moins de cinq ans de prison est protégé contre l’expulsion. Mais il existe des dérogations à cette protection. Elles s’appliquent à ceux qui portent atteinte à la sûreté de l’Etat ou en cas de nécessité impérieuse de sécurité publique. Ces mesures visent en principe les espions, les trafiquants internationaux de drogue et les terroristes. En pratique, toutefois, « la plupart des 172 étrangers frappés d’AME en 1998, loin de mettre en péril la sécurité de l’Etat, avaient tout au plus commis un délit de droit commun. Cette pratique constitue un moyen supplémentaire pour l’administration d’élargir le principe de la double peine ».

Outre une partie des expulsions, l’administration gère également les mesures de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière. Pour ceux-là, l’interpellation est généralement synonyme d’expulsion. Mais, au-delà de ce constat, la Cimade dénonce « les procureurs qui considèrent que l’étranger doit payer, de plus, le prix de sa présence irrégulière en France par de la prison. Beaucoup d’étrangers arrivent à Arenc après deux mois à un an d’enfermement ».

Quand l’étranger arrive par un pays voisin signataire des accords de Schengen, il est reconduit à la frontière de ce pays. Les 176 personnes concernées en 1998, en majorité des Kurdes de Turquie ou d’Irak, ont tous été ainsi renvoyés. « Nous avons vu un Kurde hurlant au moment du départ d’Arenc, terrorisé à l’idée du retour en Turquie, se rappelle un membre de la Cimade. Personne n’avait pris la peine de lui expliquer qu’il repartait en fait vers l’Italie. »

Toutes les mesures de rétention qui viennent d’être évoquées sont théoriquement contrôlées par un juge délégué du tribunal de grande instance, suivant la procédure du « 35 bis ». Avant la « loi Debré » d’avril 1997, les étrangers ne pouvaient être maintenus en rétention plus de ving-quatre heures sans l’aval de ce magistrat. Aujourd’hui ce délai est passé à quarante-huit heures, ce qui permet d’organiser le départ d’un plus grand nombre d’étrangers avant même leur comparution devant le juge. En 1998, à Arenc, 34 % des étrangers n’ont pu bénéficier d’aucun contrôle de procédure avant l’exécution de la reconduite.

L’émiettement des responsabilités d’un bout à l’autre de la chaîne de reconduite et d’expulsion, assorti au jeu pervers des interprétations de la loi, a permis à l’Etat français de se doter d’un implacable appareil de refoulement.

En 1975, Me Sixte Ugolini, un jeune avocat marseillais, découvrait et dénonçait l’existence d’Arenc, cette prison clandestine (3) sur le port de Marseille : « C’est là qu’on enfermait en toute illégalité les étrangers dont la France voulait se débarrasser. » Aujourd’hui, le constat du bâtonnier du barreau de Marseille est accablant : « La France n’a fait que légaliser cette situation de non-droit, et, pour les étrangers, rien n’a changé. L’interprétation du droit qu’on leur applique reste le reflet de notre société et de la xénophobie qui la caractérise. »

Pedro Lima et Régis Sauder.Immigration, Justice, Prison, France

Pedro Lima
Journaliste scientifique, Marseille.

Régis Sauder
(1) Observatoire des reconduites à la frontière, « Arenc », Cimade-défense des étrangers reconduits, Paris, mai 1999.

(2) Le Comité intermouvements auprès des évacués, qui s’était occupé des centaines de milliers de personnes déplacées durant la seconde guerre mondiale, est devenu la Cimade, service oecuménique d’entraide. Contact : 04-91-90-78-51.

(3) Lire le courageux ouvrage du journaliste Alex Panzani, Une prison clandestine de la police française, La Découverte, Paris, 1975.