Nous parlons tous un peu l'arabe
Guy Duplat ( La Libre Belgique : 26/06/2006)
Un livre raconte l'histoire de la langue arabe et casse les clichés. Il montre les apports réciproques très riches entre l'arabe et la langue française.
Dans ces moments où l'on parle beaucoup du monde arabe, le livre «Arabesques, l'aventure de la langue arabe en Occident», d'Henriette Walter et Bassam Baraké, apporte un éclairage instructif et ludique à la fois sur l'histoire de cette langue et ses rapports avec nos langues occidentales. Sait-on que de très nombreux mots français viennent de l'arabe comme «chiffre» et «zéro», comme «jupe» et «matelas», comme «artichaut» et «épinard», ou encore, «alcôve» et «camaïeu», «alcool» et «alchimie», «algèbre» et «algorithme», «arabesque» et «assassin». Le livre énumère ces apports sur 50 pages. Ceux qui ont pu voir à Paris l'exposition, à l'institut du monde arabe, sur la contribution du monde arabe à la science, n'en seront pas étonnés. On y voyait déjà le rôle essentiel que jouèrent les grandes capitales arabes dans l'essor des mathématiques et des sciences. Elles ne se contentèrent pas de nous transmettre l'héritage des Grecs mais apportèrent d'innombrables découvertes fondamentales.
Kravatt et koulott
En sens inverse, la langue arabe, du moins dans les pays du nord de l'Afrique, fourmille de mots empruntés au français. Un «maillot» se dit «mayoh» en Egypte, on parle en arabe, de «klarinett», de «kombinézon», de «koulott» (culotte), de «kanari», de «karamel», de «carbirator» (carburateur), d'«akordyon», de «komandann» (commandant), de «komisser», de «kravatt»,, de «portemoné», de «sandriyé» (cendrier). Il est clair, souligne Henriette Walter, que le vocabulaire technique du XIXe et du XXe siècle dans le Maghreb, a été dérivé du français. Le français a aussi largement inspiré l'arabe dans le vocabulaire de l'habillement et de la mode. En Espagne et en Italie aussi, l'arabe a fortement imprégné le vocabulaire.
L'arabe est une langue sémitique qui vient de quelques groupes de Bédouins parcourant pendant des siècles les mornes étendues désertiques du désert d'Arabie. Une langue de poètes qui n'a pas laissé à cette époque, de traces écrites, souligne encore Henriette Walter. Cette poésie orale se retrouve dans les contes de «mille et une nuits» qui connurent une première traduction française en 1704 et suscitèrent alors en Occident une grande vague d'intérêt pour l'Orient.
L'arabe, entretemps, avait connu aussi un vrai conte de fées puisque, langue de l'Islam, il profita de la formidable expansion de l'Islam du VIIe au IXe siècle. Bien entendu, la chance de l'arabe est d'être la langue du Coran, dans laquelle Mahomet a transcrit le message du Dieu unique transmis par l'archange Gabriel en 61. Ces révélations rassemblées en un livre constituent à la fois le premier livre en prose des Arabes et le livre-culte de la religion musulmane qui s'est propagée à travers le monde entier, quelle que soit la langue locale. La langue arabe originale s'enrichira au contact des peuples où elle est arrivée en intégrant des formes persanes, syriaques, araméennes ou chaldéennes.
Bled et djihad
La langue arabe a même influencé l'art occidental car la forme la plus élaborée de l'écriture arabe, la calligraphie, se trouve à l'origine des entrelacs élégants qu'on nomme arabesques et qui sont présents dans les tableaux de Raphaël ou dans les entrelacs élaborés par Léonard de Vinci et, à sa suite, par Dürer.
Henriette Walter a rédigé ce livre, dit-elle, pour sortir la langue arabe des clichés habituels qui y voient, selon elle, soit une langue argotique (dans l'argot, on utilise les mots arabes de «clebs», de «bled», de «kif kif»), soit une langue guerrière (on parle de «djihad», de «fatwa»). «C'est bien trop réducteur», dit-elle.
Guy Duplat ( La Libre Belgique : 26/06/2006)
Un livre raconte l'histoire de la langue arabe et casse les clichés. Il montre les apports réciproques très riches entre l'arabe et la langue française.
Dans ces moments où l'on parle beaucoup du monde arabe, le livre «Arabesques, l'aventure de la langue arabe en Occident», d'Henriette Walter et Bassam Baraké, apporte un éclairage instructif et ludique à la fois sur l'histoire de cette langue et ses rapports avec nos langues occidentales. Sait-on que de très nombreux mots français viennent de l'arabe comme «chiffre» et «zéro», comme «jupe» et «matelas», comme «artichaut» et «épinard», ou encore, «alcôve» et «camaïeu», «alcool» et «alchimie», «algèbre» et «algorithme», «arabesque» et «assassin». Le livre énumère ces apports sur 50 pages. Ceux qui ont pu voir à Paris l'exposition, à l'institut du monde arabe, sur la contribution du monde arabe à la science, n'en seront pas étonnés. On y voyait déjà le rôle essentiel que jouèrent les grandes capitales arabes dans l'essor des mathématiques et des sciences. Elles ne se contentèrent pas de nous transmettre l'héritage des Grecs mais apportèrent d'innombrables découvertes fondamentales.
Kravatt et koulott
En sens inverse, la langue arabe, du moins dans les pays du nord de l'Afrique, fourmille de mots empruntés au français. Un «maillot» se dit «mayoh» en Egypte, on parle en arabe, de «klarinett», de «kombinézon», de «koulott» (culotte), de «kanari», de «karamel», de «carbirator» (carburateur), d'«akordyon», de «komandann» (commandant), de «komisser», de «kravatt»,, de «portemoné», de «sandriyé» (cendrier). Il est clair, souligne Henriette Walter, que le vocabulaire technique du XIXe et du XXe siècle dans le Maghreb, a été dérivé du français. Le français a aussi largement inspiré l'arabe dans le vocabulaire de l'habillement et de la mode. En Espagne et en Italie aussi, l'arabe a fortement imprégné le vocabulaire.
L'arabe est une langue sémitique qui vient de quelques groupes de Bédouins parcourant pendant des siècles les mornes étendues désertiques du désert d'Arabie. Une langue de poètes qui n'a pas laissé à cette époque, de traces écrites, souligne encore Henriette Walter. Cette poésie orale se retrouve dans les contes de «mille et une nuits» qui connurent une première traduction française en 1704 et suscitèrent alors en Occident une grande vague d'intérêt pour l'Orient.
L'arabe, entretemps, avait connu aussi un vrai conte de fées puisque, langue de l'Islam, il profita de la formidable expansion de l'Islam du VIIe au IXe siècle. Bien entendu, la chance de l'arabe est d'être la langue du Coran, dans laquelle Mahomet a transcrit le message du Dieu unique transmis par l'archange Gabriel en 61. Ces révélations rassemblées en un livre constituent à la fois le premier livre en prose des Arabes et le livre-culte de la religion musulmane qui s'est propagée à travers le monde entier, quelle que soit la langue locale. La langue arabe originale s'enrichira au contact des peuples où elle est arrivée en intégrant des formes persanes, syriaques, araméennes ou chaldéennes.
Bled et djihad
La langue arabe a même influencé l'art occidental car la forme la plus élaborée de l'écriture arabe, la calligraphie, se trouve à l'origine des entrelacs élégants qu'on nomme arabesques et qui sont présents dans les tableaux de Raphaël ou dans les entrelacs élaborés par Léonard de Vinci et, à sa suite, par Dürer.
Henriette Walter a rédigé ce livre, dit-elle, pour sortir la langue arabe des clichés habituels qui y voient, selon elle, soit une langue argotique (dans l'argot, on utilise les mots arabes de «clebs», de «bled», de «kif kif»), soit une langue guerrière (on parle de «djihad», de «fatwa»). «C'est bien trop réducteur», dit-elle.
Ce livre historique et ludique fourmille de cartes, de tableaux et d'index. Un livre qui plaide implicitement pour le dialogue des cultures en rappelant à quel point notre passé est métissé et combien notre histoire a souvent croisé celle du monde arabe. Ne fût-ce qu'à Cordoue où chrétiens, musulmans et juifs vivaient en harmonie.
© La Libre Belgique 2006
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